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de la salle, Jenkinson remercia le tsar de ses bontés ; puis il lui demanda la permission de partir pour le lointain voyage dont il avait, dès sa première audience, pris la liberté de l’entretenir. Ivan Vasilévitch accorda gracieusement l’autorisation demandée ; son chancelier remit à Jenkinson des lettres impériales pour la plupart des princes dont le capitaine du Primerose aurait probablement à traverser les possessions. Le 23 avril, Jenkinson ayant fait dès le matin ses adieux aux agens anglais avec lesquels il avait jusqu’alors partagé l’hospitalité du tsar, prit place dans la barque qui devait le conduire par la Moscova, l’Oka et le Volga, au port récemment conquis d’Astrakan. Deux employés de la compagnie, Richard et Robert Johnson, un Tartare kalmouk, composaient toute la suite qu’il avait jugé à propos de s’adjoindre. Jenkinson ne comptait pas voyager en ambassadeur, il trouvait plus sûr de garder, sous le costume exotique qu’il portait sans la moindre gêne, la qualité de marchand musulman. Il s’était muni d’une lourde pacotille et se proposait de la débiter sur sa route ; cette pacotille fut répartie en un certain nombre de ballots. Le poids de chaque ballot n’excédait pas celui de la charge qu’un chameau peut porter. Le 28, Jenkinson touche à Kolomna, « ville distante de 20 lieues environ de Moscou. » Une lieue plus loin, il entre dans l’Oka, véritable prolongement de la Moscova qui s’y jette et qui y perd son nom. Il fallut descendre l’Oka sur un espace de huit lieues environ pour arriver au poste fortifié de Terrevetlisko. La barque laissa ce château à main droite et continua sa route. Après Terrevetlisko se montra le 2 mai le château de Paraslav, puis le 3 mai, « la vieille ville de Riazan. » Cette ville était alors ruinée et en partie ensevelie sous l’herbe. A douze lieues de Riazan, Jenkinson rencontre le 4 mai le château de Terrecovia ; le 6 mai, il passe sous les murs du château de Kachim. Un prince tartare, Utzar Zegolina, autrefois empereur de la grande ville de Kazan et maintenant sujet de l’empereur de Russie, était alors le gouverneur du second de ces châteaux. La barque, sans s’arrêter, pousse jusqu’à Mourom. Là Jenkinson observe l’élévation du pôle. Mourom se trouve, suivant le capitaine du Primerose, par 56 degrés de latitude. Enfin le 11 mai, dix-huit jours après avoir abandonné Moscou, les Anglais voient surgir, au confluent de l’Oka et du Volga, les remparts de Nijni-Novgorod. Ils venaient de traverser la contrée où se recueille, sur les deux rives de l’Oka, la majeure partie de la cire et du miel que produit la Russie. Le miel fut le sucre de l’antiquité et du moyen âge. Malgré le développement que tendait à prendre dans le Nouveau-Monde la culture de la canne, la ruche et le doux butin dérobé aux fleurs gardaient encore en 1558 toute leur importance ; il fallut près d’un