le cardinal Bandini, dans les beaux jardins du Quirinal, dans la villa du marquis Cesi, au sommet du Janicule, Galilée charmait une société d’élite en lui faisant contempler, par les pures soirées d’avril, la voûte céleste à travers la lunette qu’il venait d’inventer et qui porte son nom. Il excita un véritable enthousiasme le jour où, à la fin d’un repas, il braqua son télescope sur Saint-Jean de Latran, à trois milles de distance, et fit lire aux convives l’inscription gravée sur la façade de l’édifice.
Tous ceux qui assistaient aux observations astronomiques de Galilée, aux explications qu’il donnait sur le mouvement des quatre satellites de Jupiter, sur les inégalités de surface de la lune, sur les phases de Vénus et de Saturne, et aux discussions qu’il soutenait contre ses contradicteurs, n’étaient pas également convaincus par ses argumens. Sa doctrine impliquait la confirmation du système de Copernic et la démonstration du mouvement de la terre, non plus réservée aux mathématiciens seuls, mais mise à la portée de tous par une série d’expériences. Il y avait là une nouveauté de nature à inquiéter les théologiens. Un système qu’on avait pu considérer comme inoffensif tant qu’il restait à l’état d’hypothèse mathématique, utile aux savans pour leurs calculs, changeait de caractère dès qu’il se transformait en vérité physique, accessible aux sens et grosse de conséquences sur la pluralité des mondes et sur la fin de la création : aussi le triomphe apparent de Galilée cachait-il des périls dont son pénétrant esprit ne soupçonna point d’abord l’étendue. Pendant qu’il s’abandonnait peut-être avec trop de confiance à la joie du succès, et qu’il cédait trop facilement à la tentation habituelle chez lui de répondre aux objections par le sarcasme, l’autorité ecclésiastique commençait sans bruit une enquête sur l’orthodoxie de ses opinions. Sans le nommer, le cardinal Bellarmin, probablement au nom de ses collègues de l’inquisition, demandait aux membres du collège romain ce qu’il fallait penser des observations célestes que venait de faire un mathématicien distingué.
C’est là le premier symptôme que l’on ait pu découvrir de l’intervention de la théologie dans l’examen des opinions scientifiques de Galilée. La réponse du collège romain fut favorable à celui-ci ; mais à partir de ce moment l’éveil était donné, et l’inquisition ne le perdit plus de vue. Quoique le souverain pontife, auquel il fut présenté par l’ambassadeur de Toscane, l’eût accueilli avec beaucoup de courtoisie et ne lui eût pas permis de prononcer une seule parole à genoux, avant même qu’il eût quitté Rome, le tribunal du saint-office demandait au tribunal de Padoue si, dans le procès qu’on venait d’intenter à César Cremonini pour certaines hardiesses philosophiques, il ne se trouvait rien qui eût rapport à Galilée.