Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui est tout un, n’est-ce pas là une synthèse nécessaire pour l’esprit ? En pourrait-il être autrement de l’harmonie universelle que de celle des êtres particuliers, où se réalise cette unité de fin et de cause, au sein des activités finales en nombre infini ?

Mais comment l’unité est-elle possible dans l’immense cosmos ? Nous n’aurions pas la prétention de proposer une méthode de solution pour un tel problème, après toutes celles que le génie de la spéculation métaphysique a essayées avec plus ou moins de succès, si la science ne venait ici encore éclairer la philosophie de ses lumières et la mettre en quelque sorte sur la voie de l’unité qu’a tant cherchée la métaphysique pure. Cette synthèse, il faut l’avouer, n’a jamais été comprise jusqu’ici du monde savant, qui répugne à l’unité abstraite du spiritualisme et ne comprend pas l’unité cosmique du naturalisme. Qu’il permette donc au philosophe de faire ici pour l’explication d’une vérité dite métaphysique ce que fait le savant pour l’explication d’une vérité astronomique. Quand un professeur d’astronomie commence l’exposition du système céleste, il ne manque jamais de mettre l’auditeur en garde contre ce préjugé de l’imagination qui fait tourner le système solaire autour d’un centre considéré a priori comme fixe, et qui est la terre. L’observation et le calcul ont démontré au contraire, de la façon la plus rigoureuse, que c’est la terre qui tourne autour du soleil, lequel tourne lui-même avec toutes les planètes autour d’un centre supérieur, et ainsi de suite à l’infini. Les esprits esclaves de l’imagination ont quelque peine à s’orienter de nouveau et à s’habituer à un changement de point de vue aussi complet. Cette illusion n’est pas sans analogie avec celle qu’entretient l’imagination sur la conception générale du cosmos. Rien de plus simple et de plus clair en apparence que la représentation qu’elle s’en fait. Le vide, le plein, le mouvement, la matière cosmique disséminée en poussière atomique dans l’espace, un moteur distinct des atomes ou qui leur est inhérent : tels sont les principes avec lesquels l’imagination matérialiste construit toutes choses, les grands corps qui se meuvent dans l’espace, comme les corpuscules qui s’agitent dans le monde des infiniment petits, sous l’œil du microscope. Rien de plus clair, disons-nous, mais rien de plus grossier et de plus contraire aux données mêmes de la science positive.

La physique moderne, pas plus que la philosophie, ne connaît de substance inerte, distincte de la force qui la meut. Pour l’une et l’autre, le monde n’est qu’un système de forces agissant-de concert, tout en ayant, chacune en elle-même ; leur centre d’activité propre et individuelle. Là-dessus les savans ne pensent pas aujourd’hui autrement que les philosophes, et Biot et Humboldt sont d’accord avec Leibniz et Schelling. Le matérialisme, dans le sens propre