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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/714

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impérieuse nécessité, et les gouvernemens ne font que répondre à un instinct public, à un intérêt universel, en s’efforçant dès ce moment d’en finir avec une guerre qui a déjà trop duré, qui ne peut plus être qu’une inutile effusion de sang ou une conflagration de l’Occident tout entier. Il y a un autre sentiment qui n’est pas moins profond et moins énergique dans le monde européen, c’est qu’en rétablissant aux meilleures conditions possibles la paix entre la Turquie et les petites principautés qui se sont mises en guerre avec elle, on ne peut laisser passer cette occasion de régulariser la situation des autres provinces de l’empire ottoman. Ce n’est plus seulement une question de politique, c’est une affaire d’humanité, d’équité, de civilisation. Après les récens massacres de la Bulgarie, après les insurrections qui ont été la première cause de la crise où nous sommes, l’Europe se doit à elle-même de compléter son œuvre. Elle y est intéressée pour sa propre sécurité, elle y est poussée par l’opinion de tous les pays, elle y est en quelque façon contrainte par l’impuissance dont le gouvernement turc a offert le dangereux spectacle. Les dernières démarches de la diplomatie ne sont en définitive que le résultat et la traduction pratique de cette double pensée, que la marche des choses n’a fait que préciser et fortifier depuis quelques semaines, — la paix à rétablir entre la Turquie et la Serbie, des améliorations réelles, des garanties efficaces à conquérir pour les populations chrétiennes de l’Orient.

Ce n’est plus cette fois par des combinaisons particulières, par des délibérations séparées entre les trois empereurs du Nord, que s’engage l’intervention diplomatique des grandes puissances. C’est l’Angleterre qui a pris l’initiative dans cette phase nouvelle de l’action européenne, c’est l’Angleterre qui a donné le signal de la négociation, et la Russie s’est empressée de se rallier au programme du cabinet de Saint-James. L’Autriche, la France, l’Italie, à leur tour, ont adhéré aux conditions fort modérées soumises par l’Angleterre aux autres gouvernemens, de sorte que par le fait, après bien des oscillations et des conflits intimes, l’Europe se trouverait avoir reconstitué cette entente nécessaire, sans laquelle rien n’est évidemment possible en Orient. Elle a réussi à se mettre d’accord sur les bases d’une médiation offerte à Constantinople comme à Belgrade. Elle propose de rétablir les relations de la Serbie et de la Turquie telles qu’elles étaient avant la guerre, en demandant pour le Monténégro un port sur l’Adriatique. Elle propose en même temps un système d’autonomie administrative, une sorte de self-government local pour l’Herzégovine, la Bosnie et la Bulgarie. Elle aurait voulu un armistice comme premier gage d’apaisement ; elle a été obligée de se contenter d’une suspension tacite d’hostilités qui a paru acceptée d’abord dans les deux camps, qui malheureusement n’est plus guère observée à l’heure qu’il est. Elle est réduite à négocier dans l’obscurité, au bruit