Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/730

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amis et des espérances à certains de ses adversaires, ne font qu’accuser ce qu’il y a d’obscur, d’équivoque, d’incertain et de vraiment difficile dans la situation présente. Si la ferveur républicaine de nos jeunes ministres se faisait illusion là-dessus, la vieille expérience de M. Dufaure ne saurait s’y tromper.

Pour nous, ces embarras et ces difficultés se ramènent à une cause : le défaut d’une majorité suffisamment large et homogène tout à la fois pour servir de point d’appui à un ministère qui a besoin d’être assuré du lendemain pour gouverner, dans le vrai sens du mot. Cette majorité s’est-elle réellement montrée dans les débats des deux chambres récemment élues ? Si elle n’est pas encore faite, à quoi cela tient-il, et n’en faut-il pas chercher les causes dans l’histoire parlementaire de ces dernières années ? Enfin doit-elle et peut-elle se faire avec les élémens qui composent nos chambres ? Voilà ce qu’il ne nous semble pas inutile de rechercher, sans parti-pris, avec le sincère désir de faire partager au public qui nous lit notre confiance en l’avenir, mais une confiance sans illusion, et aussi avec la conviction que le pays n’a pas moins besoin d’être éclairé que d’être rassuré sur la situation politique que lui ont faite les élections et les premiers débats parlementaires.


I

Lorsque les chambres nouvellement élues se réunirent au palais de Versailles, on put croire que, la constitution étant faite et franchement acceptée par la plupart des membres de ces deux assemblées, une forte et solide majorité allait se former dans l’une et dans l’autre, qui permettrait au ministère présidé par M. Dufaure de vivre et d’agir conformément à la politique conservatrice et libérale dont il avait fait la déclaration en prenant possession du pouvoir. C’était encore une illusion après tant d’autres. Ni dans le sénat, ni dans la chambre, des députés, cette majorité ne s’est faite. La courte session qui vient de se clore fut marquée au sénat par des discussions sur la loi de l’enseignement supérieur et sur la loi municipale, qui font honneur au talent et à la haute raison des orateurs de cette assemblée ; mais il n’y eut point d’occasion de s’expliquer sur un programme politique, et les votes se comptèrent soit sur des questions de personnes, soit sur des questions spéciales où des membres de droite et de gauche pouvaient confondre leurs opinions. On nous parle bien d’une majorité conservatrice qui se serait déjà formée par l’entente des diverses fractions de la droite ; mais quelle majorité que cette coalition de partis qui ne pourront jamais s’entendre sur un programme politique ? Quelle majorité que celle qui est à la merci de quelques dissidens, et qui peut changer