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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/752

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de respecter la liberté de la conscience philosophique. A ses yeux, l’église n’a pas plus à se mêler des affaires de l’état que l’état des affaires de l’église. Voilà comment le libéral ne goûte ni les radicaux autoritaires, ni les conservateurs cléricaux, par la raison très simple que ces deux partis méconnaissent également les droits de la conscience humaine. Il veut que l’état, sans être athée, comme on l’a dit, reste laïque partout, dans son gouvernement, dans son administration, dans son enseignement, et presque dans sa police. S’il n’a aucun goût pour les enterremens civils dégénérant en démonstrations de secte et de parti, il entend que, même sur ce point, la liberté de conscience soit respectée, et que l’état n’intervienne en aucune façon dans toutes ces pratiques de la vie privée, sinon pour faire respecter la liberté de toutes les croyances. Le vrai libéral tient pour la liberté de l’enseignement à tous ses degrés ; il eût donc voté pour la liberté de l’enseignement supérieur, mais sans aller jusqu’à la collation des grades par d’autres jurys que ceux de l’état, seul juge impartial en cette matière. En un mot, la politique libérale n’est pas moins prévoyante que généreuse ; juste envers tous les partis, elle n’entend être la dupe d’aucun. Si elle ne croit pas pouvoir prescrire l’usage, à cause de l’abus, elle n’ira point jusqu’à fournir, sous prétexte de droit, des armes aux adversaires de la liberté elle-même. Surtout, cette politique s’étudie à discerner en tout et partout le droit réel et indéniable de la liberté, de la prétention avouée où dissimulée au pouvoir.

Le vrai libéralisme n’est pas seulement favorable à toutes les libertés ; il est ouvert à toutes les réformes possibles et pratiques ; c’est ainsi que l’esprit libéral se caractérise et se définit encore, en opposition à l’esprit conservateur étroit et routinier. Il est, en ce moment surtout, d’autant plus circonspect, en fait de réformes, qu’il vient d’être éclairé par de cruelles expériences. Cela ne veut point dire qu’il découragera et entravera toute initiative réformatrice, comme certaine politique conservatrice incline à le faire sous l’impression de la peur. En tout temps il y a des réformes utiles, nécessaires, urgentes, plus ou moins faciles à faire. La tradition, alors même qu’elle est respectable, n’est pas éternelle. La politique libérale, l’histoire le montre clairement, est plus apte et plus habile à prévenir les révolutions que la politique conservatrice à outrance. Avoir pour de tout n’est pas plus sage que de n’avoir pour de rien, et la politique d’immobilité n’est guère moins dangereuse que la politique d’aventures ; seulement il est des situations, et la nôtre est du nombre, qui ne comportent qu’un esprit de réforme sage et conservateur, ajournant toute entreprise dont il ne voit pas clairement les effets pour le présent et pour l’avenir. Pour dire ici toute notre pensée, nous pensons que la politique conservatrice