Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/915

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soutenir la concurrence des charbons anglais dans un port de France, puisse néanmoins s’exporter par le même port pour aller lutter contre ces charbons sur les marchés d’outre-mer. C’est que l’écart dans les prix d’achat, qui empêche la concurrence sur les marchés trop rapprochés des lieux de production, se fait de moins en moins sentir à mesure que les parcours maritimes s’allongent : il est noyé dans le fret. Si la tonne de houille qui a été payée 13 francs à Cardiff et 20 francs à Marseille se vend à Changhaï environ 70 francs, l’écart de 7 francs ne porte que sur le bénéfice réalisé par les deux navires, qui est de 57 francs pour l’anglais et de 50 francs pour le français. Et lors même qu’on suppose, avec M. de Ruolz, pour les houilles françaises un prix de vente inférieur de 3 francs au prix de vente moyen des houilles anglaises, pour compenser une certaine infériorité de qualité et surtout pour lutter contre les préjugés établis, ce qui réduirait à 47 fr. le fret obtenu par le navire français, ce serait encore un résultat fort acceptable pour un fret de sortie, lequel, dans les conditions les moins favorables, est un lest productif au lieu d’un lest onéreux.

Mais il faut voir dans quelles limites ces vues théoriques peuvent trouver leur application en tenant compte des conditions naturelles de chacun de nos ports, de la distance des bassins houillers les plus voisins, de l’état des voies navigables et de celui des chemins de fer dans le périmètre du port, de ses relations avec l’étranger, etc. M. de Ruolz s’est livré, à cet égard, à une enquête minutieuse : il a examiné le détail des prix de revient, le coût des transports par canaux ou chemins de fer, les modifications possibles des tarifs, les moyens de diminuer les frais de manutention et autres frais accessoires, enfin la limite inférieure à laquelle pourrait descendre le fret maritime pour rester encore lucratif. En somme, il prouve par des chiffres qu’il nous serait possible d’arriver à exporter chaque année 2 millions de tonnes de charbons français, surtout en faisant entrer dans nos expéditions une forte proportion de briquettes. C’est en effet par l’agglomération que l’on parvient à opérer des mélanges où chaque variété de charbon apporte ses propriétés spéciales, de sorte que des menus de qualité médiocre peuvent donner des agglomérés supérieurs à de gros charbons de bonne qualité.


III

Le port le mieux situé sur les côtes de l’Océan pour l’exportation charbonnière, c’est Dunkerque. Il est vrai que l’écart entre les prix des houilles françaises mises à bord à Dunkerque et ceux des houilles anglaises sous vergues à Cardiff, à Newcastle, à Leith, est assez élevé