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de la Loire, où le grand nombre de constructions que la présence même des mines a provoquées est devenu une entrave pour les travaux. On a vu des propriétaires bâtir partout où il y avait chance de destruction, puis réclamer des prix énormes pour des dégâts qu’ils avaient parfaitement prévus. En présence de ces abus, une révision de l’article 11 est depuis longtemps réclamée par toute l’industrie houillère. La commission de 1873 se borne à demander que, pour l’avenir, la distance de prohibition soit réduite à 40 mètres.

M. de Ruolz dénonce encore, comme une plaie de l’industrie, les droits d’octroi que la houille paie dans les grandes villes : 7 francs par tonne à Paris, 5 francs à Rouen, 3 fr. 50 cent, à Marseille et au Havre, et ainsi de suite. « À Nantes, ville industrielle et intelligente, il n’est perçu aucun droit sur les charbons. » Ce n’est pas la seule barrière qu’il faut abaisser, le seul obstacle qui reste à vaincre pour assurer à notre production houillère son libre essor. Les chiffres sont éloquens à cet égard : sur 612 concessions que l’on comptait en 1873, 277 n’étaient pas exploitées. Sur ce nombre, 87 sont épuisées ou stériles, 66 sont délaissées à cause du manque de débouchés ; d’autres restent improductives par suite de l’insuccès des travaux exécutés, ou faute de moyens de transport, ou par suite de difficultés financières, ou enfin par mauvaise volonté. Certes il y a là beaucoup à tenter pour amener un état de choses plus normal.

Un pays où manquent les routes, les débouchés, les consommateurs, peut longtemps ignorer ses ressources naturelles : témoin la Savoie. Il a fallu le percement du Mont-Cenis pour attirer l’attention sur les magnifiques gisemens d’anthracite de la Maurienne et de la Tarentaise. Ce bassin a une longueur de 80 kilomètres et une largeur de 15 ; il renferme plus de 100 couches dont l’épaisseur, malheureusement fort inégale, varie de 1m,5 à 8 mètres, et dépasse parfois 25 mètres ; « il le cède, disait dès 1863 un rapport de M. Lachat, à peu de bassins houillers, même parmi les plus riches de la France. » Au lieu de 10,000 tonnes, que l’extraction n’a pas encore dépassées, elle pourrait aisément s’élever à plusieurs centaines de mille tonnes. M. V. Barbier, dans son intéressant ouvrage sur la Savoie industrielle, a consacré plusieurs chapitres à cette question. La Savoie pourrait compter sur un mouvement d’exportation considérable. Déjà les anthracites de la Maurienne pénètrent dans les départemens de la Haute-Savoie, de l’Ain, de Saône-et-Loire, de la Loire ; ils sont demandés à Turin, à Genève, à Lyon ; ils pourront desservir tout le nord de l’Italie, où l’absence du combustible minéral, le haut prix des charbons anglais, le rapprochement des grandes villes, la fréquence des fours à chaux, à briques, à plâtre, leur assurent un débouché magnifique. Cependant