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Angleterre, s’étaient voués à l’exploration des strates plus profondes, que l’on désignait dès lors sous le nom générique de terrains secondaires. Ils avaient ainsi déterminé l’ordre de superposition des couches houillères, jurassiques, crayeuses; les fossiles qui les caractérisent étaient en grande partie déjà connus; de nombreux explorateurs relevaient chaque été les lignes d’affleuremens de ces divers terrains ; mais, entre la formation carbonifère et le granit, considéré jusqu’alors comme le noyau même du globe, il y avait des roches mal connues, bouleversées en général, ayant à la fois le caractère de dépôts sédimentaires et l’apparence de produits plutoniques. Les fossiles que l’on y apercevait étaient rares, ou plus petits, ou différens de ceux que contiennent les couches supérieures. Werner, aux yeux de qui le granit était primitif, avait appelé roches de transition ce qui recouvrait le granit. Dans les mines de Cornwall, on appelait cela grawacke, un mot barbare dont le sens était mal défini. C’est à l’étude de ces roches que Murchison résolut de s’adonner dès 1831. Il ne s’y mettait pas seul. Au nombre de ses nouveaux amis, celui qu’il aimait le plus était le professeur Sedgwick, de l’université de Cambridge, un rude travailleur, un gai compagnon lorsqu’il se trouvait en bonne santé, mais arrêté trop souvent par un état maladif qui lui était habituel. Sedgwick était d’ailleurs bien plus instruit que Murchison, quoiqu’il n’eût pas les qualités brillantes grâce auxquelles ce dernier savait se mettre en avant. Ils avaient déjà fait ensemble des excursions en Écosse; ils entreprirent encore ensemble l’exploration des terrains de transition, œuvre compliquée dont l’achèvement exigeait le concours de plusieurs personnes.

Plusieurs années durant, Murchison n’eut d’autre souci que d’explorer ces roches curieuses qui se montraient à la surface en Écosse et dans le pays de Galles. L’été était consacré à des voyages, l’hiver à la rédaction des mémoires où ses observations étaient exposées. Il trouvait d’ailleurs de nombreux collaborateurs sur place. Les uns recueillaient des fossiles, d’autres les cataloguaient. Murchison se réservait la tâche principale de mettre en ordre les matériaux de sources diverses. Le résultat de tant de recherches fut la division des terrains de transition en trois couches distinctes, le cambrien, le silurien, le dévonien, qui figurent aujourd’hui dans tous les traités de géologie. Il résuma lui-même tout ce qu’il en avait appris dans l’ouvrage capital de sa vie intitulé Siluria. Ce nom n’avait pas été choisi de façon maladroite. La nomenclature géologique est en général sèche et barbare. Les uns ont introduit dans la science les termes techniques dont les mineurs font usage; ils ont emprunté au vocabulaire des ouvriers gault,