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langue que l’on parlait dans cette région, et qui avait été imposée par la famille des Incas, détachée de la tribu des Aymaras et venue à une époque fort reculée des bords du lac de Titicaca. Il nous semble que le seul nom que l’on puisse leur appliquer est celui d’Antis, employé dans des poésies du temps de la conquête et dans les chants de guerre des peuples voisins, qui désignent sous le nom d’Antis les peuples qui habitaient les Andes. Cette question n’a pas été vidée. Tous les auteurs qui ont consacré des œuvres importantes à l’histoire des Antis ont adopté le nom de Quichua. Parmi les plus modernes et celles qui dénotent une étude plus approfondie du sujet, il faut citer le livre remarquable de M. Vicente Lopez, recteur de l’Université de Buenos-Ayres, sur les Races aryennes du Pérou.

M. Lopez veut rattacher les indigènes du Pérou à la race aryenne : c’est là une opinion qui peut être contestée, mais elle est pour l’auteur une occasion d’approfondir la vie entière du peuple dont il s’occupe, et en même temps que sa langue, sa religion, sa fable, ses monumens, son industrie, les détails de sa vie privée et de son mobilier. Ce livre ne manqua pas de railleurs et d’incrédules parmi les savans auxquels l’auteur crut devoir le communiquer avant de le publier; c’était une entreprise hardie que de rectifier le langage actuel, nécessairement vicié, d’éliminer les incorrections introduites depuis la conquête par le mélange des peuples qui parlent encore le quichua avec ceux qui parlent espagnol, et, dans ce langage restitué, de rechercher les racines primitives. Ajoutons à cela que le monde savant manifestait un profond mépris pour ces langues qu’il considérait comme le fruit d’un sol vierge, sans lien aucun avec les langues parfaites de l’antiquité, et les tenait en un mot pour des dialectes de peuples nomades. Cette qualification est inapplicable à une nation de 20 millions d’individus parlant la même langue et parvenue à un degré de développement historique, littéraire et politique qui ne permettait pas de la confondre avec les peuples des plaines, condamnés à la vie errante par des exigences du milieu où ils étaient établis. Aussi, pour les bases de la discussion, M. Lopez recherche les preuves de sa démonstration non pas seulement dans la comparaison des radicaux, mais encore dans les rites religieux, dans les sciences astronomiques, philosophiques et mécaniques, en un mot dans toutes les manifestations d’une civilisation avancée, qu’il rattache par des liens nombreux à la civilisation asiatique.

Si la thèse de M. Lopez ne s’appuyait que sur la philologie seule, il faut bien avouer qu’elle serait trop facile à réfuter; l’auteur lui-même semble avoir par instant des doutes, et après avoir relevé entre le sanscrit et le quichua un nombre considérable de rapprochemens