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banques privilégiées de l’émission de billets non couverts par l’encaisse métallique, le contre-coup, très vivement ressenti en Allemagne, des désastres financiers qui ont ruiné l’Autriche, enfin maintes causes générales par lesquelles s’expliquent les malaises qui se font sentir dans le monde entier : tel est l’encombrement des marchés par tels ou tels produits de plusieurs grandes industries à qui le progrès constant de la mécanique et l’affluence des capitaux ont permis de prendre sur toutes les autres une avance exagérée. L’industrie métallurgique, par exemple, a plus que centuplé sa production depuis trente ans. Pendant longtemps, le marché demanda de plus en plus : dans tous les pays du monde, en effet se construisaient les chemins de fer ; on en construisit, dans la seule Amérique, 11,000 kilomètres en un an. Mais aujourd’hui le principal travail est fait partout ; il ne reste plus guère à l’état de projet, dans les pays civilisés, que des lignes de moindre importance, à une seule voie. Tout à coup le fer cesse d’être demandé : il reflue d’Amérique à Glasgow : une baisse énorme se produit, et voilà une des souffrances de la crise industrielle dans laquelle les 5 milliards n’ont rien à voir assurément.

Qui se vanterait d’ailleurs d’exposer, sans en passer une, les causes d’une crise générale, quand il est si malaisé déjà de décider au juste pourquoi le prix de telle ou telle marchandise augmente ou baisse ? car ces mouvemens sont produits par plusieurs causes, dont la plus apparente est souvent la moins grave. Quant aux conséquences de la crise pour l’Allemagne, voici les principales :

Une énorme quantité d’argent a été perdue. Si l’on prend l’ensemble des valeurs cotées à la bourse de Berlin, actions de chemins de fer, actions de banques, actions des sociétés minières et métallurgiques, actions des sociétés industrielles, c’est par milliards qu’il faut compter la différence entre les cours de 1870 et ceux de 1875. Mais il s’est fondé en Allemagne un grand nombre d’entreprises nouvelles, dont la bourse de Berlin n’a pas entendu parler ; les bourses de Cologne, de Hambourg, Francfort, Leipzig, Breslau, Stuttgart ont eu leurs groupes locaux de valeurs de spéculation : voilà encore des centaines de millions à mettre après les milliards. Ces différences ne représentent pas seulement des déplacemens de fortune, car une très grande partie de ce capital énorme est à jamais perdue. Elle a été consommée en dépenses improductives : il ne reste rien, avons-nous dit, aux ouvriers des centaines de millions représentés par l’accroissement des salaires. Il ne reste rien de l’argent placé en quantités si grandes sur ces chemins de fer mal établis, sur ces maisons mal bâties, sur ces colonies sans colons et ces usines sans