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de bière, l’Amérique du Nord 11 millions, la France et la Belgique chacune 7 millions[1]; les autres pays ne comptent pas. On arrive ainsi à un total de plus de 100 millions d’hectolitres par an, — c’est à peu près l’équivalent de la production vinicole du globe entier dans une année moyenne. On voit que la bière et le vin se partagent le monde également.

Pourtant cet art du brasseur, consacré par une pratique tant de fois séculaire, semble entrer aujourd’hui dans une ère nouvelle. Depuis une trentaine d’années, le mode de fermentation usité autrefois a subi une transformation radicale, qui change tout à fait les conditions industrielles du commerce de la bière. C’est la substitution progressive de la fermentation basse à la fermentation haute. En Angleterre, les diverses variétés de bière, qui portent des noms différens suivant le degré de force et de couleur qui les caractérisent, l’ale, le pale-ale, le porter, le stout, le bitter-beer, etc., sont encore toutes des bières de fermentation haute. Sur le continent au contraire, les brasseurs abandonnent de plus en plus l’ancien procédé pour le nouveau, qui est plus compliqué et plus coûteux, mais qui fournit des bières de garde.

Voici en quoi consiste la différence entre les deux modes de fermentation. On sait que le moût de bière, point de départ de la fabrication, est une infusion de malt où l’amidon de l’orge s’est en grande partie converti en sucre, et qu’on a fait cuire pendant quelques heures avec une certaine dose de cônes de houblon. Après refroidissement sur de vastes bacs peu profonds, le moût passe dans une grande cuve découverte (la cuve guilloire), où il commence à fermenter sous l’influence d’une petite quantité de levure qu’on y introduit (1 ou 2 kilogrammes pour 1,000 litres de moût). C’est ici que se séparent les deux procédés de fabrication. La fermentation haute s’accomplit en quelques jours, à une température relativement élevée, qui est de 15 ou 20 degrés au moment de la mise en levain, et se trouve ensuite portée à 20 ou 22 degrés par l’acte même de la fermentation. La levure, qui se multiplie considérablement pendant cette période, monte à la surface, où elle forme une écume abondante qu’on enlève au fur et à mesure, et qu’on dépose dans des baquets, — ou bien, ce qui est une pratique plus répandue, dès que la fermentation commence à s’accuser par une légère mousse blanche, on distribue le moût dans des séries de

  1. D’après un rapport de M. Jacquème, inspecteur des finances, la quantité de bière soumise à l’impôt s’est élevée en 1873 à 7,413,000 hectolitres; mais M. Jacquème ajoute que la bière fabriquée en fraude, non déclarée, représente deux tiers de la fabrication totale. Il est bien difficile d’accepter cette évaluation. — Paris consomme de 2 à 300,000 hectolitres de bière par an, contre 3 ou 4 millions d’hectolitres de vin.