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nous connaissons déjà un certain nombre de levures alcooliques naturelles ; telles sont : la levure dite de Pasteur (saccharomyces pastorianus), qui fait partie du ferment du raisin et de celui des fruits domestiques, — puis la levure ordinaire du vin et celle dite apiculée, sans compter le ferment fourni par les moisissures submergées.

Au cours de ses recherches, M. Pasteur a aussi rencontré une nouvelle espèce de levure haute qui s’était développée fortuitement dans une bouteille de moût de bière, tirée d’un brassin qu’on avait fait dans son laboratoire au mois de février 1873. Dans la pensée que cette levure, qui se distinguait par la forme ovale de ses cellules, donnerait une bière encore inconnue, M. Pasteur s’appliqua à la cultiver dans des ballons de moût pur, pendant plusieurs mois. On s’en servit alors comme ferment, et la bière qui fut obtenue ne ressemblait à aucune des bières connues. Cette levure pourrait être introduite dans l’industrie; il se peut qu’elle ne soit pas nouvelle, car elle offre de grandes analogies avec celle qui est fabriquée à Maisons-Alfort pour l’usage de la boulangerie. Enfin M. Pasteur a trouvé encore une autre levure haute, qu’il appelle levure caséeuse, dans le dépôt du pale-ale de Bass et Allsopp, et dans diverses levures commerciales.

Au début de ses recherches sur la fermentation, M. Pasteur était tombé lui-même dans une erreur facile à commettre : il avait cru que les voiles de mycodermes submergés se transformaient en levure proprement dite. L’illusion avait été causée par des germes de levure qui s’étaient accidentellement introduits dans le liquide en expérience; ce qui reste de ces premiers résultats, c’est que les fleurs du vin végètent dans les profondeurs du liquide sucré à la manière des êtres anaérobies; en provoquant une faible fermentation alcoolique. En cherchant s’il était possible réciproquement de transformer une véritable levure en mycoderme, M. Pasteur a découvert un fait curieux : c’est que la levure de dépôt, en apparence épuisée et inerte, se remet quelquefois à bourgeonner et vient former à la surface du liquide fermenté une sorte de voile ou une couronne contre les parois du ballon. On croirait avoir sous les yeux les mycodermes bien connus ; en réalité, ce sont des cellules de levure, qui, si on les sème dans un moût sucré, s’y comportent comme la levure ordinaire. Toutes les levures alcooliques donnent ainsi leur levure aérobie ou levure-moisissure, qui diffère par certains caractères de la levure d’origine : la forme aérobie d’une levure basse se comporte comme une levure haute, monte à la surface, et donne une bière qui a quelque chose de plus parfumé.

Cette étude approfondie des diverses levures et de leur mode