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d’un nouveau texte la confrontation des deux éditions de Perrin, il y joignit les éditions anonymes, divers recueils de lettres parus depuis 1754, les copies autographes de Bussy, d’autres pièces authentiques de provenances diverses, et donna en 1818 une édition qui jusqu’en 1854 a fait loi pour le texte de Mme de Sévigné. Non pas que l’éditeur fût entièrement satisfait de son œuvre ; mieux que personne, il en connaissait les imperfections. Il en savait les lacunes, surtout depuis qu’un manuscrit du XVIIIe siècle, et vraisemblablement antérieur aux premières impressions, lui avait fait connaître une vingtaine de lettres inédites et donné la preuve matérielle des altérations qu’on soupçonnait en somme plutôt qu’on ne les démontrait. Le Grosbois, comme on l’appelle, du nom du marquis de Grosbois, qui le communiqua, devint, après les autographes de la copie de Bussy, le plus important et le plus considérable des documens manuscrits qui servirent à l’établissement du texte de la dernière édition. Or voici précisément l’intérêt du manuscrit dernier trouvé : c’est qu’il y a toutes raisons d’y voir la copie originale dont le Grosbois ne serait qu’un exemplaire, tiré d’ailleurs par le plus inintelligent des copistes et le plus insouciant des expéditionnaires. Il provient, comme le Grosbois, d’une bibliothèque de Bourgogne, dont les derniers débris ont été vendus publiquement à Semur en Auxois, il y a quatre ans, bientôt cinq, au mois de janvier 1872. C’est le cas, ou jamais, de répéter que livres et manuscrits ont leur destin. Celui-ci, méconnu, dédaigné, tomba pour une somme modique dans le lot d’une marchande de vieux meubles et d’antiquités. Pendant près de quinze mois, il traîna le long d’un étalage, « soumis à tous les hasards du bric-à-brac, obligé d’endurer des voisinages compromettans et souvent exposé au dehors à de dangereuses intempéries. » C’est là que M. Capmas eut le bonheur de le découvrir, la bonne fortune d’en apprécier la valeur et la joie de l’acheter au mois de mars 1873. Nous avons dit ce qu’il contenait; M. Capmas pense avoir démontré qu’il a mis la main sur l’original du Grosbois, nous ne le suivrons pas sur ce terrain ; il nous semble en tout cas qu’on y peut voir dès à présent un document d’une autorité, non pas égale, mais supérieure à celle de Grosbois. Les incrédules, s’il en restait après la lecture de l’introduction de M. Capmas, en auraient d’ailleurs pour garant l’accueil que le manuscrit a reçu du dernier et savant éditeur de Mme de Sévigné; j’ai nommé M. Régnier.

La question est maintenant de savoir ce qu’elle-même, Mme de Sévigné, gagne à la découverte, ayant fait, je pense, par sa vie trop d’honneur à la femme, et par cette admirable correspondance trop d’honneur