nos frontières, je partirai pour Londres au mois de janvier. » M. Thiers n’est pas ministre, c’est M. Guizot qui dirige nos affaires extérieures, il n’y a pas de corps d’armée sur les frontières, le gouvernement veut la paix, il est décidé à la maintenir, il déploie toutes ses forces morales et brave toutes les fureurs des partis pour assurer le repos du monde. Ce désir de la paix est si profond, ce ménagement des susceptibilités étrangères est si scrupuleux, que des politiques très sages ont pu reprocher à M. Guizot le peu d’empressement qu’il a mis à profiter des avances de la Belgique au sujet d’une alliance industrielle et commerciale. Qui donc peut mettre en doute ses pacifiques intentions ? Personne assurément parmi les spectateurs attentifs et sincères. C’est ce moment que choisit le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV pour manifester ses défiances à l’égard de la politique française, bien plus, pour nous déclarer une guerre sournoise, pour détacher de nous une royauté amie, pour essayer de confisquer la Belgique en ayant l’air de protéger son indépendance !
Je sais bien que cette étrange conversation du roi avec le baron de Stockmar n’avait rien de très inquiétant, car si Frédéric-Guillaume IV a essayé, ce que nous ignorons, d’insinuer quelques-unes de ses idées aux hommes d’état de l’Angleterre, on peut affirmer sans hésitation qu’il n’a pas eu de succès. Stockmar lui-même, tout Allemand qu’il est, oppose aux fantaisies du monarque des objections de bon sens et de bon droit. La Belgique introduite sans plus de façon parmi les états de la confédération germanique ! La Belgique faisant partie de l’Allemagne ! Et à qui le roi de Prusse vient-il confier de tels projets ? À l’ami du roi Léopold, au conseiller de la reine Victoria, au guide du prince Albert, c’est-à-dire à un homme qui certainement répétera ses paroles à Bruxelles, aussi bien qu’à Windsor et à Londres ! En vérité, ce serait à ne pas y croire, si la chose n’était rapportée par le baron de Stockmar en personne. Aussi la démarche du roi, si on ne considère ici que la question belge, n’offrait-elle pas un péril immédiat. Ces sortes d’aventures, pour être seulement entreprises, veulent être rattachées à des combinaisons profondes et conduites par des politiques consommés. Ce n’est pas précisément le cas dans l’affaire dont il s’agit. Stockmar, qui vient de nous effrayer un peu, nous rassure tout aussitôt quand il résume en ces termes l’impression que Frédéric-Guillaume IV lui a faite, le souvenir qu’il a laissé chez les politiques de Londres :
« Il me paraît être un homme de sentiment, un bonhomme, plein du désir, animé de l’ardant vouloir de faire le bien et le juste, autant du moins qu’il comprend ces deux choses, esprit capable d’enthousiasme, nature poétique, caractère enclin au mysticisme, mais plus affranchi