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concilier les points de vue, à trouver le vrai modus faciendi. Voilà ce qui occupait encore M. Guizot dans ses entretiens de Windsor avec sir Robert Peel, le duc de Wellington, lord Aberdeen, lord Stanley, sir James Graham, tous membres du cabinet, comme avec le principal chef du parti whig, lord John Russell. Dans tout cela, rien de nouveau et surtout rien d’occulte ; c’était la continuation à voix basse de ce qui s’était débattu à haute voix dans les deux parlemens de France et d’Angleterre. Le baron de Stockmar n’avait donc à recueillir ici aucune des confidences qui donnaient pour lui tant d’intérêt aux précédentes visites. Son absence de Windsor à cette date, qu’il y ait pensé ou non, est un hommage à la sincérité de la politique française.

À défaut des récits confidentiels de Stockmar, les témoignages publics nous suffisent. Ils furent d’ailleurs aussi éclatans que variés. On a déjà vu dès le 8 octobre la démarche du maire, des aldermen et des bourgeois de la ville de Portsmouth ; le même jour, le maire, les aldermen et les bourgeois de la commune de Windsor, pareillement autorisés par la reine, vinrent rendre le même hommage au roi des Français. Les jours suivans, les visites faites par le roi à Twickenham, à Hampton-Court, à Claremont, lui valurent partout une réception enthousiaste. La reine et le prince Albert avaient voulu montrer à leur hôte les magnifiques environs de la résidence royale. Twickenham, qui appartenait alors au comte de Mornington, rappelait à Louis-Philippe le séjour qu’il y avait fait jadis, durant les années d’exil. Claremont, où était morte la princesse Charlotte, était restée la propriété du prince Léopold, devenu roi des Belges et gendre du roi des Français. Sur tout le parcours de ces promenades, dans toutes les communes, dans toutes les paroisses, des acclamations saluaient le passage du souverain libéral ami de la libérale Angleterre. C’était tout autre chose, il faut bien le reconnaître, que l’accueil de courtoisie extérieure fait récemment à l’empereur de Russie. Ceux qui racontaient ces détails dans les feuilles officielles et officieuses de Paris avaient raison alors de ne pas insister sur cette différence ; à trente-deux ans de distance on est plus libre, et nous qui racontons une histoire si éloignée des crises et des préoccupations d’aujourd’hui, nous avons bien le droit d’affirmer, sans désobliger personne, que jamais contraste ne fut plus grand.

Parmi tant de manifestations qui marquèrent ces jours de fête, il suffit d’en signaler deux qui ont eu véritablement le caractère et l’éclat d’une victoire. Ce sont les journées des 11 et 12 octobre.

La reine avait décidé que le roi Louis-Philippe serait reçu chevalier de l’ordre de la Jarretière, Le vendredi 11 octobre, à l’heure prescrite, tous les chevaliers de l’ordre présens à Windsor