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dames du parti whig qui, par leur parenté avec les ministres, occupaient alors des charges de cour, et que les tories, en prenant le pouvoir, voulaient absolument remplacer par des influences amies. Les nobles et altières personnes dont les tories exigeaient l’éloignement, c’étaient surtout la duchesse de Bedford, la duchesse de Sutherland, lady Normanby. Grave et délicate affaire, comme on voit ; il fallait une main souple pour délier tous ces nœuds.

Sur la scène politique, la lutte suprême s’engagea le 5 juin 1841. La chambre des communes, sur une motion de sir Robert Peel, déclara que le cabinet whig n’avait plus sa confiance. Une majorité d’une seule voix avait prononcé ce verdict ; c’était assez d’un petit choc, Stockmar l’avait dit, pour que le bâtiment usé s’écroulât de fond en comble. Le cabinet de lord Melbourne essaya pourtant du dernier moyen que lui fournissait la constitution. Devant une majorité d’une voix il y, avait lieu de faire appel au pays. Le parlement fut dissous le 23 juin. Bientôt commença la bataille électorale, où les whigs déployèrent une passion inouïe. Contrairement à toutes les traditions comme à toutes les convenances, ils mêlèrent le nom de la reine aux clameurs des hustings. La reine et le pays contre le monopole ! La reine et le pain à bon marché[1] ! Tel était leur cri de guerre. Il semblait en vérité que la reine fût la reine des whigs, comme l’avaient dit un instant les tories, et que sa personne fût en cause. Ces violences firent plus de mal que de bien aux ministres. Beaucoup de sages esprits s’inquiétèrent, même parmi les libéraux, et les whigs furent battue. Le 30 août 1841, lord Melbourne céda la place à sir Robert Peel.

La crise était terminée quand Stockmar revint de Cobourg à Londres, Quelques jours après, il alla rendre visite à lord Melbourne, qui lui dit : « Je suis parfaitement satisfait de la manière dont s’est accompli le changement de ministère. Le prince Albert a été admirable de circonspection et de ménagement. » Il ne tarissait pas sur l’éloge du prince, il louait aussi beaucoup la conduite de sir Robert Peel, sa droiture, sa loyauté, son respect de toutes les convenances. « Sir Robert, disait-il, s’est comporté en vrai gentleman. « Le vrai gentleman, le gentleman de haute race, ce fut surtout celui que sir Robert avait chicané si durement à la chambre des communes en janvier 1840, et qui, tout occupé du bien public, n’avait eu besoin d’aucun effort pour chasser ces souvenirs.

Une lettre fort curieuse, trouvée dans les papiers de Stockmar et publiée par son fils, nous montre quels étaient les sentimens réciproques du prince Albert et de sir Robert Peel au commencement du ministère tory. Sir Robert Peel est légèrement inquiet de l’impression

  1. Il s’agissait, comme on sait, de la loi des céréales.