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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/602

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est confié à trois ordres différens : les sœurs de Saint-Augustin, qui, ayant la charge de l’hôpital Saint-Louis, ont aussi la surveillance du service des enfans teigneux ; les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, qui sont à l’hôpital des Enfans-Malades, et les sœurs de Saint-Vincent de Paul, qui sont à l’hôpital Sainte-Eugénie. On pourrait croire que le service est accompli par ces trois ordres d’une façon uniforme, avec les mêmes procédés et dans le même esprit. C’est en effet une erreur dans laquelle on tombe fréquemment, de croire que tous les ordres religieux se ressemblent, qu’ils sont recrutés de la même façon, qu’ils s’inspirent des mêmes sentimens et des mêmes principes. Ce serait au contraire un curieux sujet d’étude que de soulever un coin du voile qui cache aux yeux profanes la vie intérieure de ces différens ordres, de scruter leurs tendances et d’étudier leurs statuts, où l’on serait bien souvent forcé d’admirer l’habileté et la sagesse avec lesquelles l’autorité absolue sur les personnes est contenue et limitée en ce qui concerne les intérêts généraux de l’ordre ; mais, sans nous égarer dans une étude aussi délicate, notons les différences qui se révèlent entre ces trois ordres à une observation un peu attentive. Les sœurs de Saint-Augustin sont un ordre cloîtré. Jamais elles ne franchissent la grille de l’hôpital au service duquel elles sont consacrées. Leur maison principale est à l’Hôtel-Dieu, où elles sont établies depuis plus de trois cents ans. Aussi se considèrent-elles volontiers comme faisant partie de l’administration hospitalière, avec les intérêts de laquelle les intérêts de leur communauté se confondent. Des témoignages compétens m’ont assuré que c’était chez les sœurs de Saint-Augustin qu’on trouvait la préoccupation la plus exclusive de l’accomplissement de leurs devoirs journaliers. Leur vie est concentrée dans l’hôpital, qui, pour elles, est aussi le cloître ; c’est là qu’elles vivent, et c’est là aussi qu’elles meurent. J’ai vu à l’hôpital Saint-Louis une religieuse atteinte d’une affection grave dont la terminaison ne peut être que fatale : ses jours sont comptés, elle le sait, et elle attend la mort dans la salle de l’hôpital où elle a vécu dix-sept ans. Cette absolue séparation du monde extérieur, qui pour les ordres voués à l’éducation est parfois une faiblesse, devient ici au contraire une force et une vertu. Le dévoûment est peut-être plus complet et le sacrifice plus entier.

Les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve appartiennent à un ordre dont la maison mère est en Bretagne. Elles sont presque toutes originaires de la province où leur ordre a été fondé. Elles en viennent et elles y retournent, suivant les besoins généraux de leur communauté. L’ordre se recrute exclusivement dans la classe bourgeoise des villes et dans l’aristocratie des campagnes de la Bretagne. On les appelle ma mère (comme au reste les augustines),