croyance, des opinions d’un homme, rien de mieux : il ne peut sans inconséquence refuser, après la mort, des honneurs qu’il a cru devoir accorder pendant la vie ; mais il ne peut non plus faire dans tous les cas et indistinctement de la puissance publique la complice de manifestations qui pourraient devenir blessantes pour un sentiment public. L’état peut honorer des morts, il ne prend pas part à des démonstrations organisées sur un tombeau, à des protestations contre les croyances traditionnelles de la grande majorité de la France. Tout cela veut dire que certaines choses de la politique sont avant tout une affaire de tact, de mesure, d’appréciation, selon les circonstances, et que la liberté de conscience ne signifie pas la guerre aux idées religieuses. Lorsque les radicaux s’efforcent d’allumer cette guerre en se servant des moindres incidens et poussent tout à l’extrême, ils sont dans leur rôle et dans leurs habitudes ; ils sont accoutumés à tout braver, même le bon sens. Les esprits plus modérés, les politiques de la gauche, ont à réfléchir avant d’aller plus loin dans la voie où ils se laissent à demi entraîner. Ils auraient pu être avertis et retenus par l’apparition d’un étrange allié, par cette intervention du prince Napoléon, qui n’est pas l’épisode le moins curieux de la campagne engagée contre ce qu’on appelle les influences cléricales à propos du budget.
Voilà du moins un personnage sans préjugés, qui ne s’attarde pas avec les vaincus, qui est l’allié des cours et l’allié des radicaux ! Des rangs les plus extrêmes de la république de 1848 il passe sur les marches d’un trône ; il dépouille l’uniforme du prince de l’empire pour redevenir bientôt après le député de la république de 1876. Ce n’est point assurément un esprit vulgaire, bien qu’il soit fort inégal. Il a de la verve, du nerf ; un certain souffle âpre et dur passe dans son langage incorrect. Tel il était dans le sénat impérial, tel il se retrouve à Versailles, césar déclassé aujourd’hui comme hier. Si la fortune a changé pour lui, ses idées, il faut l’avouer, sont restées les mêmes. Il a pris dans les traditions napoléoniennes la spécialité de l’humeur anticléricale, et pour son début d’orateur, de conseiller breveté de la république, il a eu l’habileté d’attendre une occasion où il était sûr de remuer la fibre secrète d’une chambre passionnée. Au fond peut-être n’a-t-il fait son discours que pour arriver à la grande révélation, pour expliquer comment la vraie cause des désastres de 1870 a été dans la protection accordée par le dernier empire au pouvoir temporel du pape, à l’église, à l’esprit clérical. Voilà la grande révélation offerte à la république pour son instruction et pour son salut ! Le prince Napoléon doit savoir sans doute ce qui s’est passé au mois d’août 1870, puisqu’il a été mêlé aux négociations les plus intimes ; seulement il l’arrange à sa manière, il fait de la diplomatie, de la politique et de l’histoire de fantaisie. Ainsi, c’est bien entendu, si la France a été conduite à la ruine en 1870, c’est parce que l’empire protégeait le pape. La guerre du Mexique n’y est pour rien !