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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/725

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députés comme dans le sénat, il y aurait tous les moyens de rétablir une situation suffisamment rassurante. Il s’agirait de reprendre une œuvre qui n’a pas été peut-être suivie avec assez de persistance, avec une volonté assez précise et assez résolue. Tout ce qui peut aider à cette œuvre existe. Il y a d’abord le pays, ce pays qui est un modèle de calme, de sagesse, qui désavoue par son attitude toutes les querelles engagées en son nom, qui ne demande qu’à rester en paix, à poursuivre sa tâche laborieuse sans être importuné par les agitations. Ce sentiment profond, saisissable du pays pourrait être certainement la force du pouvoir qui saurait s’en inspirer. Il y a en même temps des institutions précises, définies, c’est-à-dire ce qui constitue le terrain même sur lequel un gouvernement peut s’appuyer. Il y a, dit-on, des difficultés entre les hommes, entre les partis, entre les pouvoirs : c’est possible, la politique ne se compose que de cela ; mais ces difficultés sont dominées par le sentiment supérieur, patriotique de la paix, de l’ordre, nécessaires à la France, et après tout le premier des programmes aujourd’hui devrait être tout simplement de vivre, d’éviter tout ce qui peut créer des complications artificielles et inutiles, c’est-à-dire troubler et affaiblir la France. C’est le meilleur programme conservateur, et pour les républicains sincères ne serait-ce donc rien que d’offrir le spectacle de la république durant et vivant, maintenant la paix intérieure et extérieure, assurant à tous les intérêts moraux et matériels la protection à laquelle ils ont droit ?

La paix intérieure, elle dépend de nous ; la paix extérieure dépend de ce qui va se passer à Constantinople, dans cette conférence où toutes les politiques se sont donné rendez-vous. Tant que la conférence ne sera pas réunie, on se trouve nécessairement réduit à des conjectures sur une situation toujours grave, sur les dispositions que les diverses puissances portent dans la prochaine délibération de la diplomatie européenne. Que pensent ou que veulent réellement l’Angleterre, et la Russie ? C’est là l’unique question, et la mission que vient de remplir dans les principales cours de l’Europe le représentant britannique à la conférence, le marquis de Salisbury, cette mission est probablement de nature à exercer une influence décisive ; elle prend du moins, dans les circonstances présentes, une importance exceptionnelle ; elle atteste de la part de l’Angleterre la volonté de préparer un accord des puissances. Un premier point essentiel, c’est que lord Salisbury ne va pas à Constantinople avec un programme arrêté, qui pourrait se heurter du premier coup contre un autre programme. Il n’a que deux idées qui résument sa mission : maintenir la paix et étendre les garanties en faveur des populations chrétiennes aussi loin que possible, sans aller toutefois jusqu’à ce qui serait une atteinte à l’intégrité de l’empire ottoman. Le gouvernement russe, lui aussi, veut la paix : le tsar en a renouvelé l’assurance dans