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cœur était en Autriche, dans l’Autriche de Marie-Thérèse et du saint-empire, dont il avait fait une patrie d’adoption. Il fut sincèrement affligé de ses désastres, mais il ne paraît pas en avoir compris les causes profondes, et s’il rêva de ramener l’Autriche à son ancien état de puissance, il ne songea jamais sérieusement à la réformer. Sous ce rapport, il ne peut être comparé aux patriotes prussiens de son temps ; il ne s’éleva point à la hauteur de vues d’un Stein, d’un Humboldt et d’un Scharnhorst. Ce n’était point un grand homme d’état, c’était un agent habile, un observateur perspicace, un critique clairvoyant, un excellent rédacteur de manifestes et de dépêches. L’Autriche l’avait souvent consulté et souvent employé : sa mission au quartier-général prussien en 1806 en est la preuve, mais ce fut surtout après Wagram et le traité de paix qui s’ensuivit, que Metternich l’initia aux secrets de sa politique et l’admit dans sa confiance. La grande intimité entre eux date de 1811 ; elle s’afffrmit dans cette époque de trouble et de péril où Napoléon mit l’Autriche en demeure de l’aider à vaincre la Russie.

Metternich attendait tout du temps et comptait beaucoup sur le hasard. Ne pouvant résister à Napoléon, il comprit que la sagesse consistait à paraître lui obéir de bonne grâce. C’est sous son influence que fut signé, en mars 1812, le traité d’alliance entre l’Autriche et la France. En le concluant, Metternich n’avait pas d’autre objet que d’éviter l’inimitié de Napoléon, de s’assurer certains avantages dans le cas où l’empereur réussirait dans sa gigantesque entreprise, sans s’interdire toutefois les moyens de s’entendre avec les Anglais et les Russes si la fortune abandonnait Napoléon. Il poussa la prévoyance jusqu’à instruire les Russes du traité qu’il concluait contre eux ; il eut soin d’ajouter qu’une nécessité absolue avait seule pu le contraindre à signer cette convention, et que rien n’empêcherait les cours de Vienne et de Pétersbourg de continuer à se concerter sur leurs vues politiques. Il fit plus, il garantit à la Russie que les troupes auxiliaires de l’Autriche agiraient seulement du côté de la Bukovine, et que leur nombre ne serait augmenté dans aucun cas. Les Russes auraient bien désiré une garantie écrite, Metternich répondit qu’ils devaient s’en rapporter au sens pratique de l’Autriche et à la loyauté de son souverain. La Russie se contenta de cette assurance, et promit de ne rien faire qui fût opposé aux intérêts de la monarchie autrichienne. A défaut d’engagemens formels, on s’en tint, de part et d’autre, à des promesses verbales, qui furent rigoureusement exécutées par l’Autriche. On connaît la conduite plus que prudente de son contingent pendant cette campagne. Tandis que l’armée autrichienne se livrait paisiblement à ses o grandes manœuvres, » le ministre de Russie, M. de Stackelberg, qui avait dû, pour la forme, quitter Vienne et s’était retiré à Gratz,