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Berlin, de Londres et de Pétersbourg qu’il appartient de se prononcer, et M. de Metternich le leur demande en des termes aussi insinuans qu’il le demandait à Napoléon. Il laissait entendre à la France que, si elle se montrait généreuse envers l’Autriche, il la soutiendrait ; il laisse entendre aux ennemis de la France que, s’ils offrent de bonnes conditions, l’Autriche les fera siennes et se joindra aux alliés pour les imposer à la France : « C’est aux puissances belligérantes elles-mêmes à sentir tout l’intérêt qu’elles ont de nous porter à étendre l’attitude de puissance simplement intervenante, et à la changer en celle de puissance médiatrice. » On lit dans les instructions de M. Lebzeltern, plus explicites que les autres : « Dès que Napoléon commence à craindre que nous ne changions notre attitude actuelle de puissance intervenante en médiatrice, il est de l’intérêt naturel de la partie adverse d’accepter notre intervention pour nous faire passer au rôle de médiateur, auquel l’empereur sera loin de se refuser dans la suite. »

Metternich ne se bornait pas là, et tandis que, prétextant son rôle de pacificateur, il refusait à Napoléon d’augmenter le contingent autrichien[1], il encourageait la défection de la Prusse et facilitait les mouvemens offensifs de la Russie. Il avait un double intérêt à pousser les Prussiens dans la coalition : il donnait aux alliés un gage de ses intentions, et il éloignait de l’Autriche le théâtre de la guerre. Sans doute, lorsqu’après la défection du corps d’York, M. de Hardenberg demandait à l’Autriche de l’appuyer de ses conseils et d’approuver explicitement la défection totale que préparait la Prusse, Metternich s’y refusa ; mais il était instruit des négociations qui se poursuivaient entre les Russes et les Prussiens, et il écrivait le 20 janvier au comte Zichy que l’intérêt de la Prusse et de l’Autriche était le même : « Cet intérêt est permanent, ajoutait-il ; il paraît à l’empereur tellement prononcé, qu’un changement d’attitude politique ne saurait le détruire ou même y porter atteinte ; il est aussi immuable que les sentimens d’amitié et de confiance voués par sa majesté impériale à sa majesté prussienne. » La Prusse savait donc fort bien que l’Autriche ne la troublerait point dans son mouvement tournant ; elle put, en toute sécurité, déchirer son traité d’alliance avec la France et s’allier avec la Russie. C’est ce qu’elle fit à Kalisch, le 28 février 1813. A l’égard des Russes, le jeu de Metternich était le même. Le tsar avait dépêché M. d’Anstett auprès du prince Schwarzenberg, qui commandait le contingent autrichien, pour lui proposer de conclure un armistice, Schwarzenberg hésitait, il n’avait point de pouvoirs ; il répondit à M. d’Anstett que son armée faisait partie des forces de Napoléon,

  1. Dépêche à M. de Bubna, 25 Janvier 1813.