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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/825

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Metternich avait toujours redouté un retour de la furie française, cette victoire le fit réfléchir : l’Autriche ne pouvait être prête avant le 20 juillet ; il sentit qu’il fallait gagner du temps et transiger avec les événemens. Le 8 mai, il fit connaître ses conditions à M. de Narbonne : il évita de parler de l’Italie et se contenta de poser en principe, comme minimum des concessions demandées par les alliés, la dissolution de la confédération du Rhin et du grand-duché de Varsovie, la reconstitution de la monarchie prussienne, la renonciation aux villes anséatiques et la restitution à l’Autriche des provinces illyriennes. C’était encore beaucoup plus que ne voulait accorder Napoléon. Le 4 mai, deux jours après Lutzen, Caulaincourt écrivait par son ordre à M. de Narbonne : « La prétention de proposer et de faire accepter une médiation armée est trop ridicule pour que l’empereur d’Autriche ne le comprenne pas. » Ce fut bien pis lorsqu’arrivé à Dresde Napoléon saisit des papiers où il trouva la preuve de la duplicité de Metternich. Il s’assura que l’Autriche avait été jusqu’à fournir à l’envoyé russe des renseignemens détaillés sur l’état de l’armée française[1]. Les propositions de Metternich l’indignèrent ; cependant il comprit qu’il n’était pas assez fort pour laisser éclater sa colère : il temporisa, et lorsque le 16 mai M. de Bubna vint à Dresde lui offrir officiellement la médiation de l’Autriche, il lui fit une réponse évasive sur les conditions de la paix, mais il accepta en principe l’idée d’un armistice et d’une négociation organisée par l’Autriche. Le fait est qu’il attendait tout de la victoire et qu’il espérait vaincre ; il espérait aussi gagner la Russie, la détacher de l’Autriche, et faire la paix aux dépens de l’allié qui l’avait trahi. Il se trompait. La bataille livrée à Bautzen le 21 mai fut une victoire, mais elle fatigua les Français sans épuiser les alliés, et le 22 mai Alexandre fit répondre à M. de Caulaincourt, qui lui avait demandé une audience, qu’il fallait pour négocier la paix s’adresser à l’Autriche. L’Autriche revenait à la charge le jour même et offrait à Napoléon la médiation et l’armistice. L’empereur accepta l’armistice, qui fut signé le 4 juin ; quant à la médiation, il ne la repoussait point, mais il refusait de s’expliquer sur les conditions de paix. Metternich avait lieu de croire qu’il n’accepterait point celles que l’Autriche avait posées le 8 mai ; il savait aussi que sans l’Autriche les alliés ne pouvaient pousser à fond la guerre, et que si l’Autriche entrait en campagne avec les alliés, ils lui accorderaient ce qu’elle voulait : il s’occupa donc de leur faire accepter les conditions du 8 mai. Ils les acceptèrent. Le 27 juin, à Reichenbach, l’Autriche conclut avec la Russie et la Prusse un traité d’alliance éventuelle, par lequel elle s’engageait à entrer en campagne, si

  1. Le duc de Vicence à M. de Narbonne, 12 mai 1813.