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moins-values. Or tel n’est pas le cas de la plupart des contributions en Russie. Après un moment de défaillance lors de l’aggravation de la taxe, les principaux impôts se sont bientôt relevés et ont repris pour ne point l’abandonner leur mouvement ascensionnel.

L’ensemble même des recettes a monté d’année en année, les rentrées se sont trouvées supérieures aux prévisions, les ressources ont égalé les besoins, l’équilibre budgétaire a été atteint, et les excédans se sont accrus sans chute ni interruption. Sous ce rapport, il suffit de comparer les étapes parcourues par le budget russe depuis la guerre de Crimée. À cette époque, le total des ressources du trésor n’atteignait pas 200 millions de roubles. Une dizaine d’années plus tard, en 1864, on parvenait à 354 millions. Depuis lors, la progression est constante, et si régulière qu’avec le maintien de la paix on ne saurait guère douter de la voir persister. Voici le chiffre des recettes effectuées dans les dernières années : en 1870, 480 millions de roubles, en 1871 508, en 1872 523, en 1873 538, en 1874 557, en 1875 enfin 576 millions. C’est une plus-value annuelle d’une soixantaine de millions de francs.

Quelles sont les causes de cette élévation continue et de cette remarquable élasticité des revenus depuis vingt-cinq ans, depuis dix ans surtout ? Ces causes, un haut fonctionnaire, M. le contrôleur de l’empire, les signalait avec beaucoup de justice et de franchise, dans son dernier rapport[1]. Ce sont d’abord les réformes financières les modifications apportées à l’assiette ou plus souvent à la perception des impôts ; mais, comme ces réformes ont porté sur la superficie plutôt que sur le fond du système financier, la principale, la vraie raison de la progression des recettes est ailleurs. C’est l’émancipation des serfs, c’est une justice plus facilement accessible et plus intègre, ce sont toutes les réformes libérales du règne actuel ; c’est l’ouverture des voies de communication, la multiplication des écoles, la création de nombreuses banques ; c’est par-dessus tout la longue période de paix dont a joui l’empire et l’épanouissement naturel des richesses du pays à ce bienfaisant soleil de la paix. Ce développement normal et constant, des complications extérieures peuvent l’entraver, le suspendre pour plusieurs années. Il est déjà facile de prévoir qu’à cet égard l’exercice 1876 n’offrira pas des résultats aussi satisfaisans que les précédens. La marche ascensionnelle a été si rapide que, même en conservant la paix, M. le contrôleur de l’empire croit qu’à moins de créer de nouveaux impôts ou d’augmenter les anciens, on ne peut prétendre voir

  1. Rapport présenté au conseil de l’empire par son excellence le contrôleur de l’empire pour l’exécution du budget de 1875 (Saint-Pétersbourg, novembre 1876).