change lui dut être favorable, le papier-monnaie russe n’en était souvent pas moins fort déprécié. Si dans quelques-unes des dernières années, en 1872 et 1873 en particulier, la balance des deux facteurs du commerce extérieur s’est violemment retournée au profit des entrées, la raison en est aux mauvaises récoltes, et ce sont là des alternatives auxquelles un pays agricole comme la Russie ne saurait échapper. Les expéditions au dehors se sont du reste vivement relevées en 1874 et 1875, et aussi, croyons-nous, en 1876; elles se sont sensiblement rapprochées des importations, et ce phénomène est d’autant plus remarquable que ces dernières n’ont cessé de croître. En somme, en prenant la moyenne du commerce extérieur de la Russie pendant la période décennale de 1855 à 1875, l’on n’y trouve rien d’anormal, rien d’inquiétant; peu de pays même ont eu aussi souvent, dans un tel laps de temps, la balance du commerce de leur côté. Ce n’est point là qu’est la principale cause de la dépréciation du papier et le plus sérieux obstacle au retour du numéraire dans la circulation.
Pour examiner la question sous toutes ses faces, nous ne devons pas, il est vrai, oublier que l’achat des marchandises importées ne constitue pas tous les paiemens en espèces que la Russie doit faire au dehors. Il y a d’abord les intérêts de la dette extérieure qui, comme nous l’avons vu, est considérable; mais si les intérêts retournent au pays d’où est venu le capital, celui-ci, renouvelé par d’incessans emprunts, reste en grande partie dans le pays qui se l’est procuré, et tant qu’elle a été à même d’emprunter, la Russie n’a pu de ce côté faire de perte de numéraire. Il y a en outre une autre sorte de rente que la Russie a depuis longtemps l’habitude de payer à l’étranger; c’est la dépense des milliers de sujets russes qui voyagent ou séjournent en dehors de l’empire, en France, en Allemagne, en Italie. Il y a de ce chef une exportation de métaux et comme une sorte de drainage des capitaux nationaux par les classes riches vivant plus ou moins à l’étranger. Certains pays, l’Italie par exemple, dont la situation monétaire n’est pas sans analogie avec celle de la Russie, voient chaque année des milliers de visiteurs leur apporter un tribut d’or qui contribue à soutenir leur papier. La Russie n’a point cet utile secours des forestieri ; elle voyage beaucoup chez les autres, et l’on voyage peu chez elle. A cet égard, on peut la comparer aux États-Unis d’Amérique, qui envoient également à l’Europe beaucoup plus de riches touristes qu’ils n’en reçoivent. Dans les deux pays, cette situation a attiré le regard et excité les inquiétudes des patriotes; elle a même menacé de donner lieu à un protectionisme, à un prohibitisme d’un genre nouveau. Dans cette voie, la Russie n’aurait qu’à revenir à la politique ou à la police de