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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/155

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de cette façon l’admirable progression du commerce extérieur de la Russie. Et d’abord, si les importations se sont accrues, les exportations ont fait de même, et ce sont elles qui ont fourni la plus grande partie des sommes remises à l’étranger. La difficulté est pour l’excédant des entrées sur les sorties. Certains pays, l’Angleterre par exemple, récupèrent la différence entre leurs importations et leurs exportations sur les bénéfices de leur marine. En Russie, la marine, en grande partie aux mains des étrangers, ne peut beaucoup contribuer à combler le vide laissé par la balance du commerce dans les années défavorables. Quelles ressources accessoires peut donc posséder la Russie? Il lui en reste une, ses mines de métaux précieux, car il est trois moyens de se procurer du numéraire : en emprunter, en recevoir en paiement ou en arracher au sol.

La Russie, on le sait, est un producteur de métaux précieux ; après les États-Unis, c’est même le principal producteur d’or du globe. Chose digne de remarque, les deux peuples qui souffrent le plus du papier-monnaie sont précisément ceux qui possèdent le plus de mines ou de gisemens aurifères. Cela seul montrerait que l’absence du numéraire n’est pas la seule cause du cours forcé ou de la dépréciation du papier. A l’époque de la guerre de Crimée, M. Tegoborski estimait à plus de 20 millions de roubles la quantité d’or ou d’argent jetée annuellement dans la circulation par les mines de l’empire[1]. Depuis lors la production des métaux précieux a eu de fréquentes oscillations : elle s’est tour à tour abaissée et relevée sans atteindre, croyons-nous, un chiffre beaucoup supérieur. Soit difficulté croissante des travaux, soit renchérissement de la main-d’œuvre à la suite de l’émancipation, l’augmentation des frais d’exploitation a empêché ou ralenti les progrès de l’extraction. Elle n’était pas dans ces dernières années beaucoup plus élevée que sous le règne de l’empereur Nicolas. D’après les statistiques russes, la production annuelle de l’or oscillait entre 50,000 et 60,000 livres. Cela donnerait une contribution annuelle de 90 à 100 millions de francs, ce qui pour la circulation monétaire ne laisserait pas que d’être un afflux important[2]. Les mines d’argent, beaucoup moins nombreuses et moins riches, sont plutôt en décadence; elles ne doivent pas fournir à la Russie un tribut métallique de plus de 2 millions 1/2 de roubles. Depuis 1840, l’on peut calculer que la Russie

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1854.
  2. D’après plusieurs feuilles russes, la production de l’or aurait dans ces derniers temps donné jusqu’à 40 millions de roubles ou 160 millions de francs. Je doute de l’exactitude de cette assertion, qui semble démentie par certains documens. Le rendement des mines de l’état a, d’après les rapports du contrôleur de l’empire, été moindre dans les dernières années, en 1874 par exemple, qu’en 1873; et, d’un autre côté, les mines d’or privées de la Sibérie orientale ont été en diminution en 1875.