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sur tous les fonds russes[1]. Un état, en pareil cas, n’a guère de choix entre les moyens de se procurer du numéraire. La Russie garde, dans ses embarras même, l’avantage de pouvoir puiser à trois sources inégalement abondantes et inégalement ouvertes, il est vrai : l’encaisse métallique de la banque d’état, l’exportation nationale et les mines d’or indigènes. Il y a, dans les 180 millions de roubles en espèces de l’encaisse métallique, de quoi faire pendant longtemps honneur à tous les engagemens du trésor; mais l’état n’y saurait toucher sans affaiblir la garantie déjà faible de ses billets et précipiter lui-même la chute de son papier-monnaie.

Restent l’exportation et les mines d’or. Isolées ou réunies, ces deux sources ne sont pas assez abondantes pour verser au trésor tout le numéraire dont il a besoin : aussi les financiers russes ont-ils cherché à en accroître le débit annuel. Dans ce dessein, le gouvernement a pris presque en même temps deux mesures identiques quant au but, quoique fort différentes quant aux moyens. Un décret a, comme nous l’avons dit, affranchi temporairement de tout impôt l’extraction de l’or indigène; un autre a ordonné qu’à partir du 1er janvier 1877 tous les droits de douane seraient perçus en or ou en valeurs échangeables contre de l’or. Le premier décret se comprend aisément : il a pour but de développer la production de l’or, et il y réussira sans doute. Le second est plus complexe : il y a là à la fois un procédé fiscal pour se procurer du métal par l’impôt et un moyen d’accroître artificiellement le numéraire que ses exportations font entrer en Russie. La Russie exporte dans ses bonnes années pour plus de 400 millions de roubles, c’est-à-dire pour 1 milliard 1/2 ou 2 milliards de francs. Pourquoi les denrées par elle vendues à l’étranger ne lui fournissent-elles pas de quoi solder l’intérêt de sa dette extérieure? Parce qu’à côté de l’exportation il y a l’importation, parce que le courant de numéraire que l’une fait entrer en Russie a pour contre-partie le courant de numéraire [2]

  1. La banque centrale foncière de Russie ne fait que centraliser les opérations de nombreuses banques foncières locales. L’hypothèque n’a pas toujours la même valeur dans certaines parties de la Russie que chez nous, parce que les propriétés n’y sont pas toujours sûres de trouver un acquéreur. Dans plusieurs districts de la Nouvelle-Russie par exemple, on a vu, après des années successives de mauvaises récoltes, un grand nombre de biens mis en vente sans trouver d’acheteurs à la moitié ou au tiers même du prix d’estimation. La banque centrale foncière, pour mettre ses obligations à l’abri des éventualités, a du reste eu la sagesse de faire dernièrement un appel de fonds sur ses actions, augmentant par là le capital de garantie offert par ses actionnaires.
  2. Le ministre des finances autorise à recevoir, outre la monnaie d’or russe et les monnaies d’or étrangères, les coupons prochains des emprunts russes métalliques, des billets de banque métalliques 4 pour 100 et des obligations de chemins de fer. L’on admet en outre les billets de banque étrangers échangeables contre de l’or.