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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/165

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pressées d’entrer sur le sol russe avant le 1er janvier 1877, pour échapper au paiement des droits de douane en or, s’entassaient dans les gares des frontières de l’empire; en sorte que, si les deux branches du commerce extérieur sont toutes deux entravées, ce ne sera point encore en faveur de l’exportation qu’aura penché la balance en 1876[1].

Quelle que soit l’issue des affaires pendantes en Orient, la Russie n’en pourra probablement sortir sans une aggravation de ses charges et une augmentation des impôts. Le grand résultat financier des dernières années, l’équilibre budgétaire, est déjà compromis. S’il n’y a point de guerre, le mal, croyons-nous, sera aisément réparable. Avec une campagne de quelques durée, la Russie au contraire serait rapidement condamnée aux expédiens. Ses recettes se réduiraient en même temps que grossiraient ses dépenses. Le difficile pour elle ne serait point de soutenir la lutte, ce serait d’en solder les frais après le retour de la paix. Une nation pourvue d’avance d’une armée bien équipée et d’un bon matériel peut se battre avec du papier. La Turquie en est un nouvel exemple; il est vrai que, dans son désarroi financier, la Porte a sur la Russie l’avantage de ne plus se préoccuper de ses créanciers. Dans un conflit avec la Turquie, le gouvernement de Pétersbourg ne peut avoir l’espoir de se faire rembourser par l’ennemi les frais de la campagne. Loin de là : le triomphe des armes russes sur le Danube ne serait pour le trésor national qu’une nouvelle occasion de dépenses. La Bulgarie conquise par les armes, il faudrait l’occuper, l’organiser, l’administrer, et dans ce malheureux pays, déjà ruiné par les massacres et foulé par les armées turques, les Russes auraient plus de subsides à fournir à leurs frères slaves qu’à en recevoir d’eux.

Avec le maintien de la paix même, il faudra du temps aux finances ou du moins au crédit de la Russie pour se remettre de son ébranlement. Il y a quelques mois, l’équilibre budgétaire et les plus-values d’impôts permettaient de songer à une réforme fiscale impérieusement réclamée par toutes les autres réformes de l’empire; aujourd’hui on se voit toujours en face des remaniemens d’impôts, mais, au lieu de dégrèvemens, il s’agit d’aggravation des charges. La question des nouvelles contributions est déjà à l’étude dans la presse, les uns préconisant un impôt foncier régulier, les autres un impôt sur le revenu, d’autres des taxes sur le

  1. Malgré cette hâte à profiter des derniers jours où les droits s’acquittent en papier, la recette des douanes a pu, dans l’année 1876 même, rester inférieure aux recettes de l’année précédente. A la date du 18/30 novembre dernier, le revenu des douanes s’élevait à 46,700,000 roubles, soit une diminution de près de 7 millions de roubles ou de 25 millions de francs sur la même période de 1875.