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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/197

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resterait réservé si la papauté temporelle, laissée seule en face des Romains, venait à ne pouvoir se soutenir par elle-même. Cavour, de son côté, se hâtait de répondre : «J’avoue qu’au premier instant j’ai été effrayé des difficultés et des dangers que présente l’exécution du projet auquel l’empereur donnerait son agrément, pour arriver à une solution provisoire de la question romaine. Les engagemens que nous devrons prendre et les conditions où se trouvera Rome après le départ des troupes françaises nous créeront d’immenses embarras vis-à-vis du pays, du parlement, des Romains, et surtout avec Garibaldi; mais, quand il n’y a que deux chemins à suivre, il faut savoir choisir le moins dangereux, quels que soient les précipices qu’on puisse y rencontrer encore. Je n’ai pas tardé à me convaincre que nous devons accepter les propositions qui nous sont faites : l’alliance française restant la base de notre politique, il n’y a pas de sacrifices auxquels je ne sois disposé pour qu’elle ne soit pas mise en question... » Les deux alliés de Plombières, malgré une rupture momentanée et plus apparente que sérieuse, se sentaient toujours attirés l’un vers l’autre; ils se retrouvaient encore une fois pour s’entendre sur la condition nouvelle de Rome et de ce qui restait de la papauté temporelle au milieu de l’Italie unifiée. En réalité, c’est là l’origine, la première ébauche d’une combinaison qui ne devait se préciser dans un acte de diplomatie officielle que trois ans plus tard, mais qui se préparait déjà entre Cavour et Napoléon III pendant ces mois agités du commencement de 1861.

Ce n’était là encore cependant qu’une partie des difficultés de la situation nouvelle. La complication la plus sérieuse, la plus immédiate, était à l’intérieur, à Naples, dans ces provinces méridionales brusquement annexées au royaume du nord. Je ne parle même pas de la défense de François II à Gaëte, de cette dernière résistance d’un jeune et malheureux souverain prolongeant la lutte pendant près de quatre mois, comme pour laisser à l’Europe le temps de lui porter secours. Le drapeau bourbonien, qui restait planté sur le rocher de Gaëte jusqu’au 13 février 1861, ne représentait plus qu’une cause vaincue. La vraie difficulté était bien moins dans cette protestation militaire, sans écho et sans espoir, que dans l’état moral, politique, de ce pays du midi livré tout à coup à une sorte de transition orageuse, à la désorganisation d’un interrègne révolutionnaire. Tant que l’annexion ne s’était étendue qu’à des régions comme la Lombardie, la Toscane, la Romagne ou Parme, elle avait été facile. Le Napolitain, représentant tout un royaume, séparé du nord par les mœurs, par les traditions, le Napolitain, passionné, spirituel, mobile, exubérant, formait à l’extrémité de l’Italie une