et réalisables, afin de pouvoir s’opposer avec une autorité suffisante aux passions populaires lorsque la foule obéirait à des entraînemens dangereux... » Faire du gouvernement un guide, un promoteur toujours actif, c’était l’idéal qu’il réalisait avec une dynastie patriote, et c’est ainsi qu’il a résolu son problème. Il a fait de la liberté un moyen d’extension et de conquête pour la monarchie, en même temps qu’il a fait de la monarchie la force régulatrice d’une révolution victorieuse, la garantie de l’unité. Il a si bien identifié les deux causes, que le jour est venu où la maison de Savoie s’est trouvée presque sans effort être la maison italienne et que des républicains, corrigeant un mot fameux, ont pu dire depuis : « la royauté est ce qui nous divise le moins. » C’est là l’originalité et la nouveauté de la politique de Cavour : il a légué à l’Italie une monarchie à laquelle on ne peut toucher sans ébranler l’existence nationale elle-même.
Une des expressions les plus caractéristiques du libéralisme de Cavour, c’est assurément cette partie de sa politique qui touche aux affaires religieuses, qui n’a cessé de se développer à travers les événemens jusqu’au jour où elle s’est résumée dans ces mots fatidiques qu’il murmurait encore en expirant : libera chiesa in libero stato ! Ces redoutables et délicates questions, il les avait rencontrées au seuil de sa carrière, même avant d’être ministre, dans le cercle restreint des affaires piémontaises; il les avait vues grandir et se compliquer à mesure que le mouvement italien s’élargissait et allait jusqu’à mettre en cause dans Rome le pouvoir temporel du saint-siège : elles étaient un des élémens du problème national. Il ne pouvait les éviter. Rien cependant ne ressemble moins aux traditions despotiques ou révolutionnaires que l’indépendance de raison et la hardiesse d’esprit avec lesquelles il abordait ces difficultés religieuses. Il se proposait sans nul doute un grand but qu’il ne perdait jamais de vue, — l’émancipation complète de la société civile et nationale; il ne voulait ni infliger des persécutions, ni imposer des servitudes, ni même violenter les mœurs ou l’opinion. Il évitait surtout avec soin de mêler à des discussions et à des actes devant lesquels il ne reculait pas des procédés acerbes, des provocations blessantes, des excès de langage. Par sa nature essentiellement politique, il répugnait à ces luttes passionnées où les inquiétudes religieuses pouvaient être un affaiblissement pour la cause nationale. Dans sa confiance de réformateur, il tenait peu à des réglementations qu’il considérait comme des précautions inutiles, aux exequatur, aux immixtions de l’état dans les affaires sacerdotales; il ne se reconnaissait même pas le droit de surveiller de trop près l’enseignement ecclésiastique. Il n’agissait pas en ennemi de l’église.