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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/245

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de M. Jacquemart était infaillible et ses ouvrages font loi; aussi son Histoire de la porcelaine demeure sur la table de tout collectionneur, et il en sera de même de son Histoire du mobilier. En la lisant, vous saurez comment nos pères se meublaient et à quel usage était réservé tel ou tel objet; les tapisseries, les étoffes, les dentelles, les ivoires, le marbre, tout ce qui servait à l’ornementation de l’habitation, tout est énuméré, étiqueté, décrit. Ce qui complète aussi ce livre, fait avec un soin minutieux, ce sont les nombreuses gravures qui nous font connaître les plus beaux spécimens des meubles, des étoffes que l’on a pu retrouver, et ces dessins sont exécutés avec une perfection si rare, qu’on peut entreprendre la reproduction matérielle du meuble qu’ils représentent. L’ouvrage de M. Jacquemart est un livre d’instruction générale dont la lecture profitera certainement à tous ceux qui l’aborderont.


A coups de fusil, par M. Quatrelles, un vol. in-8o orné de gravures ; Charpentier.


Dans un livre intéressant, M. Quatrelles nous raconte l’histoire d’un vieux commandant retraité qui, au moment où l’invasion s’étend sur la France, en 1870, exerce les habitans de sa petite ville au maniement des armes, et tâche de leur faire comprendre leur devoir en ces temps malheureux. Que d’énergie il lui faut, à ce pauvre commandant Maudhuy, pour recruter ces hommes et combattre les idées d’un conseil municipal qui craint d’attirer sur sa petite ville les fureurs d’un ennemi victorieux. Le maire voudrait bien conserver le pont qui lui a coûté tant de peines et de soucis à faire élever, mais les ordres de l’autorité militaire sont là, et il faut détruire ce pont, ornement de la petite ville. Le commandant se sent rajeunir dès qu’il a repris les insignes de son ancien grade; malheureusement pour lui, ce regain de jeunesse lui est enlevé par les chagrins que lui cause son fils, étudiant en droit à Paris. Là, ce jeune homme, abandonné à lui-même, s’est laissé convertir par des piliers de café aux idées révolutionnaires, et il regarde comme une fortune inespérée la chute de l’empire; les malheurs de la France ne le touchent guère pourvu que l’empire soit anéanti. Le mot de patrie n’existe plus pour lui, il n’y a en présence que deux systèmes de gouvernement : l’empire et la république, qui triomphe par suite des batailles perdues, et il n’est pas éloigné de se réjouir de ses défaites successives. Combien n’en avons-nous pas rencontré qui pensaient comme le fils du commandant Maudhuy ! Cependant lorsqu’il voit son père aux prises avec les Prussiens, ce fils n’hésite plus, et il sacrifie sa vie en faisant sauter le pont qui retardera la marche de nos ennemis. Tel est le récit que nous donne M. Quatrelles, et son livre, orné de fort belles gravures qui retracent d’une manière trop réelle souvent les malheurs de la guerre, est d’une lecture fort attachante ; on sent qu’un patriotisme convaincu anime l’esprit de M. Quatrelles, et, dans le temps où nous vivons, il nous est fort nécessaire de cultiver cette belle vertu.