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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/255

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de la potasse, à peu près la vigueur des vignes saines, l’impuissance du sulfocarbonate, en tant que moyen de supprimer l’ennemi, s’est manifestée par deux preuves évidentes, savoir : la persistance de phylloxéras vivans sur les vignes infestées et l’essaimage si remarquable des individus ailés, que M. Mathey y a constaté en juillet dernier; puis, par ce fait assez facile à prévoir, de nouvelles taches phylloxériques apparaissant, en 1876, autour des taches primitives découvertes en 1875. Voilà le côté vraiment faible du système d’étouffement à outrance essayé par la suppression des points d’attaque en apparence isolés. Tout semble fait quand on a traité ces foyers visibles de l’infection; mais d’autres foyers encore invisibles couvent sous le sol et constituent la phase du mal que j’ai désignée depuis longtemps sous le nom de période latente. Ainsi, même avec les circonstances les plus favorables, même avec des frais excessifs, on ne saurait compter sur l’anéantissement absolu d’un ennemi qui s’appelle légion, qui pullule avec une effrayante rapidité, qui mine sourdement les places qu’il finira par réduire., et qui, manifesté sur un point, se dérobe déjà sur plusieurs autres où ses ravages le décèleront un jour. Le problème de l’étouffement du mal n’est donc pas si simple qu’il l’avait semblé à des savans qui l’étudiaient de leur cabinet, sous la préoccupation spécieuse du succès obtenu contre la peste bovine par l’abatage forcé des bêtes malades. Autre est la suppression légale de bestiaux, autre la poursuite de par la loi d’une vermine souterraine. La difficulté, dans ce dernier cas, est dans l’application de la sentence. Pourra-t-on citer un seul exemple de parasite végétal ou animal que l’homme ait pu faire disparaître? L’oïdium, le charbon des céréales, le puceron lanigère, la pyrale, peuvent être combattus, contenus, réduits même à l’innocuité relative; mais supprimés, mais anéantis, jamais!

Il est vrai que, dans le rapport académique auquel je fais allusion, l’espoir de suppression totale du mal est présenté comme un idéal à atteindre et prudemment renvoyé à un rapport ultérieur. Au fond, on se borne à recommander le traitement insecticide des foyers encore excentriques et des foyers d’avant-garde, signalés comme des précurseurs d’invasion, non loin des grandes surfaces infestées. Dans cette mesure, la méthode pourra sembler utile et se présente si naturellement à l’esprit qu’elle avait été recommandée et pratiquée dans le midi de la France dès les premiers temps de la découverte du phylloxéra. Sans rappeler les cordons sanitaires de M. Anez, plus impuissans contre un ennemi pourvu d’ailes qu’un fétu de paille contre le souffle du mistral, on pourrait citer comme première tentative d’étouffer des foyers récens les expériences faites en 1871, à Lunel-Vieil et à Vendargues, par la Société centrale