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d’information. À côté d’eux viennent les inscriptions lapidaires et les trop rares papyrus qui les font parler. Les plus anciens monumens égyptiens témoignent, nous l’avons vu, d’un art maître de lui-même, en pleine maturité ; ils nous livrent de même une langue et un alphabet fixés dans leurs règles essentielles et qui varieront fort peu par la suite. Bien des siècles se passeront encore avant que les peuples d’Asie aient trouvé le moyen de noter leur pensée : l’Égypte le possède déjà et ne nous permet pas, si loin que nous poussions dans sa connaissance, d’en soupçonner l’origine. C’est elle qui apprendra au reste du monde cette science fondamentale ; on sait aujourd’hui que l’alphabet phénicien, d’où sont sortis le grec et tous les nôtres, n’était qu’une simplification du caractère hiéroglyphique. Toutes les applications de la pensée humaine que peut traduire l’écriture sont en grand honneur dans cette première société et supposent, comme le reste, une effrayante période de culture antérieure. Sciences, religion, médecine, astronomie, poésie, toutes les branches de l’esprit sont cultivées : nous avons peu de rédactions directes du temps, mais les ouvrages postérieurs se réfèrent sans cesse à des traités contemporains du roi Menken-Râ et des premiers pharaons. L’importance que se donnent dans leurs épitaphes les scribes et les bibliothécaires royaux atteste assez l’existence de dépôts scientifiques et littéraires de premier ordre.

Le papyrus médical de Berlin, fort ancien lui-même, attribue aux temps les plus reculés le codex thérapeutique qu’il expose. Les Pyramides sont là pour témoigner du développement des arts mécaniques et de la géométrie. Quant à l’astronomie, l’étude des documens hiéroglyphiques présente tant de causes d’erreur, en matière si délicate, que nos savans sont très sobres d’affirmations ; pourtant quelques-uns soupçonnent un tel degré d’avancement dans cette science que les premiers Égyptiens auraient connu le mouvement réel des planètes, y compris la nôtre, et deviné le déplacement dans l’espace du système solaire, découvertes moins extraordinaires d’ailleurs sous ce ciel aux nuits éclatantes, parmi ces populations vivant à l’air libre, où l’astronomie est l’étude familière, où le moindre berger sait quelque peu des étoiles.

La littérature authentique de cette époque se réduit pour nous à des épitaphes de grands personnages, à quelques inscriptions plus détaillées où ils racontent leur vie et leurs services, aux anciens chapitres du rituel funéraire et à un opuscule célèbre sous le nom d’Instructions de Ptah-Hotep ; composé sous la Ve dynastie ; il nous a été révélé par un papyrus de la XIe, vénérable document que la science doit à M. Prisse d’Avesnes. Notre mot de littérature, appliqué à ce lointain état de l’esprit humain, est aussi peu juste