Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les chemins, qui ne sont souvent qu’une chaussée entre deux masses liquides. Stockholm est bâtie non sur sept collines, mais sur sept îles où s’étagent les maisons, les palais et les églises, à partir du bord de la mer. Du sommet de ces édifices, en tournant les regards vers la terre ferme, on aperçoit un lac sans fin, le lac Mœlar, qui conduit à Upsal après avoir contourné 1,300 îles. Copenhague est une capitale insulaire. La Hollande, pays conquis sur la mer, est au-dessous des eaux et n’est garantie de l’inondation que par ses digues. Enfin la Norvège suspend à de grandes hauteurs des lacs et des rivières qui se précipitent en un nombre infini de chutes. « De chaque roche, dit un voyageur, tombe une cascade; sur nos têtes, sous nos pieds, jaillissent des cascades;., elles rampent, glissent, se croisent et confondent en d’inextricables méandres leurs anneaux argentés. On compterait plutôt les étoiles de la voie lactée que le nombre des chutes d’eau. Certains pics semblent coiffés d’un écheveau dont chaque brin est un filet d’écume. »

La population de ces contrées est donc adonnée dès l’enfance au métier de la pêche et de la mer. Comment s’étonner qu’elle fournisse de bons marins et qu’elle puisse à l’appel de la patrie armer des flottes dont les équipages se conduisent admirablement dans les combats? Nous en verrons des preuves récentes. L’histoire seule prouve l’aptitude spéciale de ces braves gens, nés en quelque sorte pour la mer et qui y meurent si souvent. Les Anglais, bons juges en ces matières, apprécient leur valeur, et l’un d’entre eux, un amiral, disait : « Qu’on me donne une flotte construite en Angleterre et montée par des marins de la Norvège! »

Il aurait pu, sans crainte de se tromper, en dire autant des marins du Danemark et de la Hollande, et comprendre dans son souhait des chefs tels que les Ruyter, les Tromp et les Juël, rivaux illustres et souvent heureux de la marine d’Angleterre. Ils excellaient dans l’art de la navigation à voiles. Cet art a fait son temps; mais leur génie militaire est de toutes les époques. Il a les mêmes chances de succès, quoiqu’il n’ait plus à se servir des mêmes moyens. Le vrai marin, qu’il ait à manœuvrer la vapeur ou les voiles, aura toujours un avantage sur des adversaires moins rompus au métier : celui d’être sur son élément. Dans les bottes prussiennes, les vrais marins ne seront jamais nombreux, parce que l’aristocratie du pays, où se recrute exclusivement le personnel des officiers de vaisseau, n’est embarquée que par exception et pour le service. L’habitude de vivre à la mer et en vue de la mer, de s’y plaire et de s’y trouver à l’aise, donnera toujours la supériorité du sang-froid, de la pleine possession de soi-même, du coup d’œil et de la saine et prompte décision. Un savant militaire comme le général