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petit livre qui deviendrait classique dans nos écoles; on y verrait combien les nobles dévoûmens ont été nombreux jusque dans les douleurs de la défaite, combien ont mérité, par leur courage, d’être inscrits sur le glorieux martyrologe du patriotisme, et cela vaudrait bien, pour l’éducation de nos enfans, les puérilités sentimentales de certains livres d’étrennes.

A part les événemens contemporains, qui donnent lieu lorsqu’ils se produisent à quelques livres de circonstance, l’histoire étrangère, aujourd’hui comme il y a trente ans, attire peu l’attention. C’est là un fait regrettable et qui depuis deux siècles a exercé une certaine influence sur la mauvaise direction de nos affaires extérieures. Nous ne connaissons nos relations avec les autres peuples que par quelques correspondances de nos ministres, par quelques pièces diplomatiques extraites de nos archives; ces documens ont sans doute leur valeur, mais ils ne contiennent qu’une partie de la vérité. Il faut aussi la demander aux historiens et aux publicistes étrangers, et c’est par là que nous reconnaîtrons combien nous nous sommes abusés depuis trois siècles sur les dispositions de l’Europe à notre égard. La France a toujours été jalousée et isolée. L’égoïsme des intérêts nous a donné à certains momens quelques alliances, mais elles n’ont jamais été ni durables ni sincères. Depuis la paix d’Utrecht, en 1713, tous les remaniemens de la carte de l’Europe se sont faits contre nous, et le cœur se serre quand on songe à ce que les autres ont gagné, en comparaison de ce que nous avons perdu. Il y a donc un intérêt majeur à étudier l’histoire de ces remaniemens, à les suivre à travers leurs vicissitudes, et nous ne saurions trop féliciter M. Himly d’avoir abordé, avec l’autorité d’une science depuis longtemps éprouvée dans l’enseignement de la Sorbonne, ce grave et difficile sujet. Retracer l’histoire de la formation territoriale de l’Europe moderne en prenant pour point de départ la géographie physique des grandes régions européennes, — retracer sommairement pour chaque état actuellement existant son origine ainsi que les réunions successives de ses parties intégrantes et ses pertes territoriales dans le mouvement général, et présenter en même temps le tableau de sa situation au triple point de vue de la géographie, de l’ethnographie, de la politique, tel est le programme que s’est tracé M. Himly, et qu’il a su remplir, dans les deux premiers volumes de son travail, pour les états de l’Europe centrale, Autriche, Prusse, Pays-Bas, en se maintenant toujours à la hauteur de son sujet,

Ce que nous venons de dire à propos de notre indifférence pour l’histoire étrangère, nous aurions pu le dire, avec autant et plus de raison il y a six ans à peine, pour une autre branche des études historiques, la géographie. Mais nous sommes heureux de constater