ne valent ni plus ni moins que les archers d’Edouard III et de Henri V. Le droit du seigneur a soulevé de nouvelles controverses, et il est aujourd’hui prouvé que l’on s’est trompé, d’une part en généralisant l’exercice de ce droit en nature, et de l’autre en le niant d’une manière absolue. Ce qui est vrai, ce qui résulte de textes irrécusables, c’est qu’il a été pratiqué effectivement et dans son acception la plus brutale, dans une dizaine de fiefs au plus; partout ailleurs il se bornait à une simple redevance; mais, cette redevance étant considérée comme un rachat, la légalité du fait reste établie en principe, et lors même que ce fait se serait produit partout, on n’aurait point à s’en étonner, car du moment où la femme était serve de corps et de biens, sa pudeur, comme son corps et ses biens, appartenaient au maître. Le royaume d’Yvetot, dont une chanson de Béranger a rajeuni la popularité, a enfin trouvé son annaliste : M. Oscar de Poli s’est chargé de nous apprendre ce qu’était au juste cette monarchie sans couronne et sans sujets. Quoi qu’en dise la chanson, le roi d’Yvetot ne levait aucune taille, même pour tirer au blanc; mais il possédait une terre allodiale, qui n’en avait jamais payé, une terre franche qui ne relevait que de Dieu, comme disaient les feudistes. À cette terre, qui ne reconnaissait pas de seigneur dominant, étaient restés attachés jusque dans les temps modernes tous les droits régaliens de la grande féodalité; les bonnes gens du pays étaient très fiers d’appartenir à un seigneur auquel il ne manquait pour égaler les Capétiens que l’onction de la sainte ampoule. Ils firent comme les campagnards qui donnent le nom de ville à leur village : ils appelèrent la terre allodiale d’Yvetot royaume, et le seigneur de cette terre, roi d’Yvetot. Celui-ci ne demanda pas mieux que de prendre ce titre; les rois n’y mirent aucun obstacle, et la royauté qui s’était perpétuée six siècles disparut pendant la révolution, sans que le comité de salut public ait songé à la porter sur la liste des tyrans.
Il n’est pas besoin d’insister plus longtemps pour faire apprécier l’importance et la variété de l’érudition provinciale. Cette importance est d’autant plus grande que, sous les apparences de l’unité, l’ancienne France, formée de lambeaux lentement et péniblement arrachés aux dominations féodales et étrangères, ne présentait qu’un assemblage incohérent de provinces séparées entre elles par leurs lois, leurs douanes intérieures, leurs privilèges, la diversité de leurs impôts; — de pays de droit écrit et de droit coutumier, de pays d’états et de pays d’élections, de villes de commune, de villes de loi, de bonnes villes, de villes seigneuriales et royales, où la condition des personnes changeait suivant la condition même de ces villes, — de juridictions et d’administrations toujours en lutte entre elles. Pour reconstituer notre histoire dans toute sa vérité, il