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de nos voies navigables a été établie sur un type particulier de tirant d’eau, de longueur et de largeur d’écluse; aucune homogénéité. Sur la Seine et sur l’Oise, la dimension des écluses, qui ont au minimum 8 mètres de large sur 51 de long, permet de faire naviguer des chalands ou picards du port de 500 tonnes, tandis que la Sambre canalisée, avec des écluses de 5m, 20 sur 41m, 50, ne peut admettre que des péniches flamandes portant 280 tonnes, et que, sur le canal de Saint-Quentin, où les écluses sont réduites à 38 mètres et même à 35, le chargement est lui-même réduit à 260 tonnes. Il en résulte qu’entre Mons ou Charleroi et Paris, où le transport des houilles donne lieu à un si grand mouvement, pour qu’un bateau puisse naviguer sur l’ensemble du réseau, il faut que ses dimensions correspondent au type d’écluse minimum, c’est-à-dire à 5m, 20 de large sur 38 et même 35 de long, ce qui limite le chargement à 260 tonnes[1].

Voiturer les marchandises par masses aussi grandes que possible, sans transbordement, a sans rompre charge, » surtout quand il s’agit de matières lourdes, encombrantes, de peu de valeur, qui ne peuvent supporter des manutentions répétées, est pour les entreprises de transports un desideratum auquel elles s’efforcent toutes d’atteindre. C’est pourquoi un de nos ingénieurs de la marine les plus éminens, M. Dupuy de Lôme, avait imaginé, il y a trois ans, de traverser la Manche, non point par un tunnel sous-marin comme on va le faire, mais au moyen d’un bateau-porteur armé de rails sur le pont, pour y recevoir tout un train de chemin de fer et le remettre à destination à travers le détroit. Ce qu’on fait pour les voies ferrées, encore plus le doit-on faire pour les canaux en en rendant partout les conditions de parcours uniformes, car les canaux portent précisément les matières à la fois les plus volumineuses et de moindre valeur, et il faut que le prix du fret y descende au minimum.

Notre réseau de voies navigables n’est pas seulement hétérogène, il est resté, avons-nous dit, inachevé. Faute d’un canal de très petite longueur entre Vitry et Arcis-sur-Aube, il n’y a pas de ligne de navigation continue, directe, entre Strasbourg et Nantes. Il n’y a pas non plus de jonction entre l’Aisne et l’Oise, et cette jonction était encore tout récemment à grands cris réclamée par les départemens intéressés. Des lacunes du même genre existent dans chaque bassin. A plus forte raison, les raccordemens manquent-ils presque partout d’un bassin à l’autre, comme le fait remarquer M. Krantz

  1. La Navigation intérieure de la France, son état actuel, son avenir, par L. Molinos; Paris, J. Baudry 1875.