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de long, 12 mètres de large, avec un système particulier de grappins ou de coques articulées. De cette manière, on pourrait porter au-delà de 1,000 tonnes avec lm, 20 de tirant d’eau, et remorquer économiquement par exemple les minerais de fer de la Méditerranée, entre autres ceux de l’île d’Elbe et de Mokta, dont les forges de la vallée du Rhône consomment plus de 500,000 tonnes par an. M. Dupuy de Lôme, dont nous avons déjà eu l’occasion de citer une autre expérience, est à son tour entré dans la lice. Il a imaginé récemment, recourant à l’emploi de coques en fer de grande dimension, un navire à deux hélices indépendantes d’un tonnage encore plus élevé. Un premier essai n’a réussi qu’incomplètement, un autre sera sans doute plus heureux. L’indépendance des hélices partiellement immergées doit, selon l’habile ingénieur, fournir un système énergique d’évolutions rapides comme en exige la navigation du Rhône. Il a été conduit à suspendre ses essais jusqu’à ce qu’il ait avisé aux moyens de rendre impossibles les erreurs dans la manœuvre. La question du meilleur propulseur à trouver pour notre navigation fluviale est donc toujours pendante, et il est urgent de la résoudre. Les inventeurs peuvent compter sur une ample rémunération de leurs peines. Le fret ne leur manquera pas : ce sont les houilles, les minerais de toute espèce, les pierres à bâtir, les chaux et les cimens, les bois, le fer, les vins, les huiles, les céréales, à la descente ou à la remonte. Le fleuve en aura sa part, le chemin de fer gardera la sienne, tout en reconnaissant que certaines denrées, telles que les vins, s’accommodent bien mieux du transport par eau que du transport sur rails. On calcule qu’en vins du Midi le Rhône devra transporter à lui seul un poids d’au moins 300,000 tonnes quand il aura été mis dans un état de navigabilité satisfaisant.

Ce n’est pas seulement au point de vue du service public des transports, c’est encore pour l’agriculture, que le Rhône pourrait être largement utilisé. Nous avons là un magnifique fleuve, celui qui roule chez nous les eaux les plus abondantes, dont nous pourrions faire un double instrument de production, et nous le laissons abandonné. Un ingénieur en chef des ponts et chaussées, M. Aristide Dumont, a été chargé par le gouvernement, il y a quelques années, de faire les études d’un canal d’irrigation du Rhône réclamé par nos départemens méridionaux. Il a depuis longtemps rempli sa mission, et ce canal reste à l’état de projet. C’est là cependant une œuvre d’intérêt national, ayant pour but de sauver de la misère et de l’émigration une partie des populations de la vallée du Rhône. On sait combien celles-ci sont en ce moment cruellement frappées par le phylloxéra, la maladie des vers à soie et l’abandon de la culture de