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fleuve d’une navigation maritime avec 3 mètres de tirant d’eau, et telle que nulle part les bateaux n’eussent à baisser leurs mâts. Une décision ministérielle prit ce projet en considération, et y prescrivit certaines modifications de détails. M. Belgrand évaluait à 48 millions au maximum les dépenses, si l’on voulait faire disparaître les obstacles au passage des mâts, et à un peu plus de 13 millions seulement celles que nécessiterait le tirant d’eau de 3 mètres[1]. Il en concluait qu’il ne fallait pas songer à voir arriver à Paris des bateaux toutes voiles déployées, mais que si l’on réalisait le tirant d’eau de 3 mètres, on pourrait compter sur la création d’une navigation par navires à vapeur à mâts mobiles.

Aucune suite n’a été donnée au projet de M. Belgrand; mais cela n’a pas découragé les inventeurs. En 1866, un ingénieur de la marine, M. E. Leclert, comptant que le tirant d’eau de la Seine allait être porté à 2 mètres, étudia la possibilité d’établir un service direct et régulier, mais mixte, c’est-à-dire à voile et à vapeur, et de vitesse relativement modérée, pour le transport des marchandises entre Paris et New-York, et réciproquement. C’était une intéressante question d’art naval; la manière dont M. Leclert était arrivé k la résoudre avait obtenu l’approbation des ingénieurs et des marins. Il ne restait plus qu’à lancer le navire; mais toutes choses vont lentement chez nous quand l’administration s’en mêle. Une partie des travaux décidés pour porter le tirant d’eau de la Seine à 2 mètres a seulement été exécutée, et le crédit affecté à ces travaux a été à peine entamé. Espérons que l’on ira désormais plus vite et que les intérêts publics seront mieux sauvegardés. N’oublions pas que les chambres de commerce, non-seulement de Rouen et de Paris, mais encore celles de Lyon, d’Avignon, de Nîmes, ont compris les travaux d’amélioration de la Seine dans les combinaisons financières qu’elles ont récemment soumises au gouvernement en vue d’assurer enfin le perfectionnement de nos voies navigables.

Le navire projeté par M. Leclert, pour aller régulièrement de Paris à New-York, est d’un port utile de 300 tonneaux. L’appareil moteur est calculé de manière à imprimer au navire une vitesse moyenne de route qui permette d’effectuer le voyage du Havre à New-York, soit 3,300 milles marins, en dix-neuf jours, à peu près le double de temps qu’y emploient en été les grands steamers transatlantiques du port de 5,000 tonneaux et d’une force de 2,000 chevaux. La navigation à la voile est assurée pour les temps favorables, particulièrement par ces grandes brises d’ouest qu’on rencontre

  1. Voyez l’exposé des motifs du projet de loi ayant pour objet l’amélioration de la Seine, n° 302, chambre des députés, session de 1876.