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celui de rois de Pampelune. D’ailleurs la ville a conservé peu de souvenirs de ces jours déjà lointains où elle était la capitale d’un puissant royaume. Bâtie par Charles le Noble, la cathédrale est du gothique le plus pur. Un lourd portail du siècle dernier, composé de colonnes corinthiennes et d’un fronton triangulaire, en sépare l’entrée ; les deux tours elles-mêmes, qui du bas de la route de Villava étaient d’un si charmant effet, sont construites dans ce même style gréco-romain dont la symétrie et la ligne droite font presque uniquement les frais. Mais dès qu’on a poussé la porte, que de magnificences ! l’œil en est ébloui. Le cloître surtout, cette annexe indispensable des basiliques espagnoles, dépasse toute imagination, non pas qu’il soit de dimensions bien vastes, mais l’harmonie même de ses proportions permet de goûter mieux le fini des figurines, la légèreté des arceaux, la délicatesse exquise des nervures et des colonnettes. La porte de droite, passant par l’église, est à elle seule un chef-d’œuvre : toute cette pierre est creusée, fouillée jusqu’au miracle. Au milieu du cloître s’étend un petit jardin inculte : les fleurs et les arbustes rendus à l’état sauvage confondent leur feuillage dans un désordre inextricable ; des plantes grimpantes enroulent leurs jets vigoureux autour des colonnes et envahissent jusqu’aux architraves. Les racines, par un travail lent, ont descellé les dalles qui délimitent l’enclos, une herbe épaisse et touffue cache les allées ; à l’un des angles, un cyprès solitaire, contemporain des vieux prélats qui gisent tout auprès sous les voûtes dans leur froide couche de pierre, dresse mélancoliquement sa tête sombre et son tronc dépouillé. On est ému presque malgré soi : cet abandon, ce silence, la fraîcheur même qui règne dans ce réduit sépulcral, semblent inviter l’âme au recueillement et à la prière.

Tout autre est l’impression ressentie dans la sacristie des chanoines. En thèse générale, si l’on visite une église d’Espagne, il faut bien se garder de négliger la sacristie. Comme confort, comme élégance, celle de Pampelune pourrait servir de modèle : les murs en sont tendus de damas rouge ; de splendides peintures à fresque couvrent les hautes voûtes ; plus bas, de tout petits tableaux, d’un genre naïf, fort anciens, traitent de sujets religieux ; partout des glaces, des menuiseries, des dorures ; de gentilles consoles Louis XV, aux pieds capricieusement contournés, à dessus de marbre, occupent chaque encoignure ; dans un enfoncement enfin, ménagé tout exprès, un vaste lavabo de marbre gris fournit par deux robinets de cuivre l’eau nécessaire aux ablutions du chapitre. Appendu au mur de droite, à l’entrée, je remarque un portrait d’assez grande tournure : c’est celui du prélat qui fit au siècle dernier construire et décorer cette salle à ses frais ; une inscription pompeuse rappelle,