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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/867

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de la plupart des blue-books; ils ont été distribués à profusion, mais peu lus. Une fois les tarifs définitivement établis, ils ne présentaient plus qu’un intérêt historique et devaient rester enfouis dans les archives.

L’enquête de 1860 mérite une mention particulière, non-seulement à cause de la gravité des questions qu’elle eut à résoudre, mais aussi parce qu’elle inaugura en France un mode d’information qui était emprunté à l’Angleterre et dont notre administration a fait depuis cette époque un fréquent usage. Il y a, dans ce système de large publicité, de contradiction ouverte, une garantie de sérieux examen que les précédentes enquêtes étaient loin d’offrir au même degré. En outre, les pouvoirs publics, qui ont à prendre les décisions, acquièrent une appréciation plus exacte des sentimens qui animent les intérêts appelés à s’expliquer devant eux. À ce point de vue, la physionomie morale de l’enquête de 1860 est très utile à observer. Sauf de rares exceptions, les industriels français opposèrent la plus vive résistance aux réductions de tarifs, les uns, parce qu’ils n’avaient point conscience de leur force, les autres, parce qu’il leur coûtait de s’organiser contre la concurrence, d’autres enfin parce qu’ils regardaient comme un devoir d’obtenir pour des confrères attardés un excès de protection dont ils reconnaissaient n’avoir pas besoin pour eux-mêmes. Opposition de parti-pris, timidité extrême, répugnance instinctive contre toute innovation, ignorance ou négation calculée des faits les plus évidens, telle fut, il est bien permis de le dire, l’attitude presque générale des industriels dont on entendit l’avis, ou plutôt les doléances, attitude qui eût embarrassé plus d’une fois les décisions, si, indépendamment de la contradiction provoquée, même au dehors, de la part des intérêts opposés, le conseil supérieur ne s’était armé d’une ferme résolution pour dominer les terreurs exagérées et pour imposer la réforme.

La convention anglo-française fut suivie de négociations engagées avec la plupart des gouvernemens de l’Europe. De 1861 à 1867, la France traita successivement avec la Belgique, le Zollverein allemand, l’Italie, la Suisse, la Suède, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, l’Autriche et les États pontificaux. Chacune de ces conventions stipula l’échange de facilités réciproques pour le commerce et la navigation des parties contractantes, la France concédant les tarifs modérés qui avaient été précédemment accordés à l’Angleterre, et obtenant des diminutions de taxes pour ses produits. Ce fut pour toute l’Europe une véritable révolution économique. Lorsque la Grande-Bretagne, rompant avec de vieilles traditions, entreprit la réforme commerciale, l’exemple donné par elle n’exerça aucune influence sur la législation du continent. On jugeait