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développé largement, et que chaque année voyait s’accroître le mouvement des échanges entre les peuples. Ils invoquaient en outre les merveilles étalées dans les expositions, et, justement orgueilleux des succès obtenus par l’industrie française en 1851 et en 1855, ils prétendaient qu’il y aurait imprudence et même folie à compromettre une situation aussi prospère. Ces argumens ne prouvaient qu’une chose, c’est que le travail, le capital, la science, ont une vertu propre qui leur permet d’augmenter, d’améliorer les produits, quelles que soient les conditions du régime légal, et que la prohibition n’est point un obstacle absolu au progrès ; mais ils ne prouvaient pas que sous un régime moins exclusif, par l’influence de lois libérales, avec le stimulant d’une concurrence plus étendue, ce profit n’aurait point été égal ou plus grand, et ils laissaient à leurs adversaires le droit d’affirmer que l’abus prolongé des rigueurs douanières avait coûté à chaque nation, à la France en particulier, des pertes énormes. Pour ne citer qu’un exemple, pouvait-on calculer l’excédant de charges dont le tarif des métaux et des machines avait grevé l’outillage industriel et la construction des premières voies ferrées ! Quant aux expositions, loin de fournir un argument aux protectionistes, ne pouvaient-elles pas être invoquées comme une démonstration certaine de la force acquise par l’industrie française, du succès qui l’attendait dans les luttes de la concurrence, et de la nécessité qui commandait de supprimer des prohibitions ou des taxes reconnues désormais inutiles, à supposer qu’elles aient pu en d’autres temps paraître indispensables ?

La réforme des tarifs avait à faire ses preuves, et il est permis de dire que celles-ci furent aussi promptes que décisives. Avant les traités, l’augmentation annuelle des échanges se calculait par quelques millions que l’on avait soin de présenter dans les comptes-rendus officiels comme un indice de la prospérité toujours croissante. À partir de 1860, c’est par bonds de centaines de millions que le progrès se manifeste. De 11 milliards en 1859, le mouvement des importations et des exportations de la France, pour le commerce spécial, s’élève à plus de 5 milliards 1/2 en 1865, et dépasse 6 milliards en 1869. L’augmentation, qui s’applique à l’ensemble des relations internationales, se révèle particulièrement dans les rapports avec les pays dont les marchés nous ont été plus largement ouverts par les traités. De 1859 à 1865, le chiffre des échanges avec l’Angleterre a presque doublé. Les conventions avec la Belgique, avec la Suisse, avec l’Italie, etc., ont produit des résultats analogues, et l’impulsion une fois donnée ne s’arrête pas ; elle continue après la première période, comme l’attestent les statistiques plus récentes, et elle se communique à toutes les régions du globe.