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mouvement dont la France a eu l’initiative et dont elle a partagé le profit avec les autres nations.

Malgré ces démonstrations, qui, dès les premières années de la réforme, avaient conquis l’opinion publique, le parti protectioniste n’avait pas complètement désarmé, et il se préparait à reprendre l’offensive lorsque viendrait le moment où le traité anglo-français, conclu pour dix ans, serait de nouveau remis en discussion. Dès 1868, il ouvrit la campagne par une interpellation adressée au gouvernement, au sein du corps législatif. Il représentait l’état de malaise où se trouvaient certaines industries par suite de circonstances accidentelles, notamment de la guerre américaine; il critiquait en même temps le procédé autoritaire par lequel le gouvernement s’attribuait la faculté de modifier diplomatiquement, sans l’approbation préalable des chambres, les lois de douane, qui doivent être considérées comme des lois d’impôts, et il obtenait, pour cette dernière objection, l’appui du parti politique qui, demeuré fidèle aux anciennes doctrines constitutionnelles et à la défense des droits législatifs, contestait en principe l’extension que s’était attribuée, pour les traités de commerce, la prérogative du souverain. Porté sur ce terrain, le débat ne manquait pas de gravité. Les organes du gouvernement jugèrent utile de déclarer que désormais les conventions douanières seraient soumises à l’examen du corps législatif; mais, en donnant satisfaction à cette revendication d’ordre politique, ils purent insister plus fortement sur la nécessité de maintenir la réforme et de conserver, par voie de tacite reconduction, le régime international créé par les traités existans. Bien que ces conclusions fussent adoptées par une grande majorité, le traité de 1860 ne cessa point d’être attaqué, directement ou indirectement, au corps législatif et au sénat. Désireux de marquer sa déférence pour les attributions parlementaires et persuadé d’ailleurs qu’il aurait aisément raison des critiques intéressées et obstinées, le gouvernement impérial consentit, au commencement de 1870, à l’organisation d’une enquête où seraient étudiées les modifications à proposer à l’Angleterre lors de l’expiration prochaine du traité. Les travaux de cette enquête furent interrompus par les événemens de 1870.

Dès 1871, les discussions relatives aux tarifs et aux traités de commerce tinrent une grande place dans les délibérations de l’assemblée nationale. Il s’agissait avant tout de procurer au trésor les ressources nécessaires pour équilibrer le budget. Au lendemain d’une guerre funeste, après tant de désastres et de ruines, alors qu’il fallait non-seulement combler un énorme déficit, mais encore rétablir tous les services publics et pourvoir sans retard à la réorganisation