Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/899

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et laisse tout faire, tout passer, avec l’indifférence de fonctionnaires sans responsabilité et sans initiative. »

C’est pour répondre à cet appel que nous prenons la parole. Il ne convient pas en effet que le corps enseignant s’en remette uniquement à son chef du soin de défendre ses intérêts : puisqu’une loi doit être présentée aux chambres, il est bon qu’il fasse entendre ses idées et ses vœux. Nous espérons que notre exemple sera imité par d’autres. Il ne s’agira pas, dans les pages qui suivent, de tracer le plan idéal d’un enseignement supérieur. Le problème qui s’impose aujourd’hui est celui-ci : en tenant compte des institutions qui existent, dont quelques-unes ne laissent pas que d’être un sérieux obstacle, sans trop rompre avec les habitudes reçues, organiser un enseignement supérieur qui soit le meilleur possible. Nous apporterons à cette recherche une entière franchise, prêt à dire la vérité sur nos amis comme sur nos adversaires. Ce ne serait pas la peine de traiter la question, si l’on en voulait déguiser les difficultés ou esquiver les côtés dangereux.


I.

Les difficultés sont de plus d’une sorte. La première c’est que la question n’est plus intacte. L’expérience se fera aujourd’hui dans des conditions moins favorables que si elle avait été commencée il y a deux ans. La loi dite de la liberté de l’enseignement supérieur est une entrave qu’on sentira partout, soit qu’il s’agisse des élèves, soit qu’on s’occupe des professeurs, soit qu’on veuille toucher aux examens. Cette loi tend à éteindre l’utile et salutaire concurrence des doctrines au sein d’un même corps pour y substituer la rivalité stérile des corporations ; elle énerve d’avance l’autorité de l’état, car elle permet aux étudians de s’y dérober en allant chercher dans les universités libres un régime plus à leur convenance ; elle éparpille les forces du pays, et elle est (il suffit de jeter les yeux sur la Belgique) un ferment de discorde pour l’avenir. Veut-on observer par le côté le plus matériel les effets de cet éparpillement, il est aisé d’en donner la preuve. Si l’on ajoute aux millions qui vont être demandés au pays et aux municipalités par le gouvernement pour les universités de l’état ceux qui sont recueillis par le clergé pour ses universités particulières, on arrive à un total considérable, supérieur sans doute à ce qu’aucun pays en Europe a jamais dépensé en une fois pour sa haute instruction; mais il s’en faut que l’effet utile de ces sommes doive s’additionner. La plus grande partie se perdra en doubles emplois et en inutiles répétitions. C’est le même examen de droit ou de médecine qui sera simultanément préparé à