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qu’elles réclameront de plus en plus dans l’avenir. Tandis que l’intérêt de l’état est de rendre les études plus fortes, les universités libres s’occupent surtout d’obtenir des grades, en sorte que ces deux puissances, qui désormais représentent l’une et l’autre chez nous l’enseignement supérieur, ne tendent pas au même but, mais ont plutôt des vues contraires. Si avec cela on songe que les chefs de ces universités délibèrent et votent au conseil supérieur de l’instruction publique, on aura une idée de l’étendue de cette première difficulté.

Une autre vient de cet ensemble de grandes écoles dont quelques-unes ont déjà trois quarts de siècle d’existence, et qui, avec nos facultés de droit et de médecine, constituent jusqu’à présent la partie principale de notre enseignement supérieur : il suffit de nommer l’École polytechnique, l’École normale, l’École des mines, l’École des ponts et chaussées, l’École centrale, l’École des langues orientales, l’École des chartes, sans parler d’autres institutions telles que le Collège de France, l’aîné de tous, lequel, avec ses professeurs et la variété de ses cours, est une sorte d’université au petit pied. Chacun de ces établissemens, à l’exception du dernier, a ses examens, ses diplômes, et certaines carrières viennent s’y embrancher, quelquefois à l’exclusion de tout autre mode d’accès. Non-seulement chaque école obéit à une autre direction; mais elles ne dépendent pas toutes du même ministère : ainsi l’École polytechnique, qui est comme une faculté des hautes mathématiques, relève de la guerre; l’École des mines et celle des ponts et chaussées appartiennent aux travaux publics. Nous sommes si loin de songer à nous arrêter dans cette voie, qu’on vient de fonder récemment un Institut agronomique, nouvelle école spéciale qui appartient au ministère de l’agriculture. C’est en grande partie dans ces établissements que se distribue la jeunesse et que se donne aujourd’hui notre instruction supérieure. Tandis qu’à l’étranger, en Allemagne par exemple, la plupart de ces cours se font à l’université, nous avons ouvert aux divers ordres de connaissances autant de sanctuaires distincts où l’on pourvoit à l’instruction et où l’on se charge de la carrière des élèves.

La question se pose donc autrement chez nous que dans les pays où tout est à créer. Il ne s’agit pas d’organiser l’enseignement supérieur dans le Honduras ou dans le gouvernement de Kharkof. Nous sommes dans un pays de vieille culture qui a possédé des universités avant tous les autres pays de l’Europe, et qui, par suite des circonstances, en a dispersé l’héritage. Il faut retrouver une place pour nos nouvelles universités au milieu de ce réseau d’écoles qui se sont d’avance attribué le meilleur de leur instruction et le plus clair de leurs avantages. En demander la suppression (qu’on nous