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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/916

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Les instrumens de travail qu’une organisation prévoyante aura accumulés en province empêcheront nos jeunes savans de regarder ce stage comme un exil.

Rien en effet ne sera plus propre à couper court aux éternelles plaintes sur la difficulté de travailler en province, rien ne pourra plus sûrement attacher aux universités ceux de leurs maîtres qu’elles auront le plus d’intérêt à retenir, aucune dépense, par conséquent, ne sera plus productive et mieux entendue que les sommes employées à créer ou à développer ces instrumens indispensables d’un enseignement supérieur, tels que bibliothèque, laboratoires de physique et de chimie, cliniques, collections d’histoire naturelle, jardin botanique. Plus d’un docteur, venu avec l’idée de retourner à Paris, se laissera prendre aux attraits d’expériences commencées ou de collections accrues sous sa direction. Parmi ces divers établissemens, l’un des plus importans est la bibliothèque, parce qu’elle sert également à toutes les facultés, et qu’elle doit être comme les pénates de l’université. Je me souviens encore de l’impression que je ressentis, il y a vingt ans, quand je parcourus la bibliothèque de Göttingue, où à une admirable collection de livres venaient s’ajouter tous les recueils savans, tous les journaux principaux de l’Europe, aussitôt mis à la disposition des professeurs et des étudians. C’est par cette bibliothèque qu’a vécu et grandi l’université, c’est elle qui permet à une ville de 12,000 habitans de garder ses professeurs, que lui disputent vainement les grandes capitales. L’isolement où ont vécu jusqu’à présent nos facultés n’a permis de rien fonder de semblable, et tel est l’esprit d’exclusion nourri par cet isolement, qu’on entend des voix recommander le système des bibliothèques à part pour la médecine, pour le droit, pour les sciences, sans égard à la dispersion qui en serait la conséquence, ni aux doubles et triples emplois que ce morcellement entraîne dans les acquisitions, dans les installations, dans le personnel.

Un point auquel on ne saurait trop attacher d’importance, ce sont les règlemens relatifs à l’usage de ces instrumens de travail. On a trop oublié que l’université existe pour les élève<s : en vain construirait-on les plus beaux laboratoires, amasserait-on les plus belles collections de livres, établirait-on les plus riches jardins botaniques, s’ils sont d’un accès difficile et rare, ou si les étudians, une fois admis dans ces asiles du travail, ne peuvent pas s’y livrer à leurs recherches avec liberté et recueillement. Plus d’un esprit original a senti la vocation s’éveiller au milieu des collections. Pour connaître l’histoire d’une science (chose si nécessaire), il faut le facile accès des livres. Le plus sûr indice d’établissemens qui ont oublié leur propre raison d’être sont ces collections qui ne servent qu’aux maîtres et dont les élèves quelquefois ignorent jusqu’à l’existence.