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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/123

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trente ans, on se servit de la même matrice et les pièces ainsi frappées portèrent toutes la même date. Les routes étaient rares. Une diligence reliait New-York à Philadelphie et mettait deux jours à faire ce trajet ; aussi l’avait-on surnommée l’Éclair, Le système postal était des plus primitifs ; on expédiait les lettres de New-York à Boston une fois par mois. Benjamin Franklin fut un des premiers directeurs de la poste ; il raconte que, pour développer le système postal, il visita, avec sa fille Sally, les diverses stations, et qu’il mit cinq mois à ce voyage, que l’on peut accomplir aisément aujourd’hui en cinq jours.

Par contre, l’éducation fit de bonne heure de grands progrès. Les puritains émigrans avaient apporté avec eux et implanté dans ce continent à peine connu deux idées fortes et vivaces : le sentiment religieux auquel ils avaient tout sacrifié, et comme complément direct le culte de la Bible. Cela impliquait la lecture assidue des livres saints : aussi vit-on, dès le début, partout où se groupaient quelques colons, s’élever le temple, construction aussi grossière et primitive que les cabanes de troncs d’arbres, et la maison d’école. Si pauvres, qu’ils fussent, ils ne reculaient devant aucun sacrifice de temps et de travail pour satisfaire à ces deux besoins de leur nature. A Boston, où fut fondée la première école, chaque famille donnait par année un boisseau de maïs ou 1 fr. 25 c. en argent pour le soutien de l’école et de l’instituteur. En 1700, dix pasteurs se réunirent dans une salle d’école, et déposèrent sur une table une dizaine de volumes chacun, en disant l’un après l’autre : Je donne ces livres pour aider à la fondation d’un collège dans le Connecticut. Telle fut l’origine du Yale College.

Alors comme aujourd’hui l’instituteur était entouré d’une grande considération. Il était, après le ministre, l’homme le plus estimé et le plus influent de la communauté. Il jouissait de privilèges particuliers et exerçait une juridiction spéciale sur les parens, qu’il pouvait même contraindre à envoyer leurs enfans à son école.

Si des colonies du nord nous passons à celles du sud, le contraste est frappant, et nous retrouvons en germe ces divergences de vues et d’idées qui devaient aboutir, le 12 avril 1861, au premier coup de canon tiré par les confédérés sur le fort Sumter, et à la guerre civile la plus longue et la plus sanglante des temps modernes. L’esprit puritain dominait d’une manière absolue dans les états de la Nouvelle-Angleterre. La vie sociale était gouvernée par les préceptes de la loi religieuse, dont la loi civile n’était que le reflet et la consécration. Cette vie grave, austère, condamnait l’homme à lutter contre les penchans de sa nature dans l’ordre moral, de même que le climat et les difficultés de la vie matérielle