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ESQUISSES DRAMATIQUES

M. VICTORIEN SARDOU

De toutes les branches de notre littérature d’imagination à l’heure qu’il est, la moins fertile, celle qui reverdit avec le plus de difficulté, est à coup sûr le théâtre. Tandis que le roman, presque entièrement rajeuni, s’est ouvert des voies nouvelles et conquis de nouveaux représentans pleins de sève et d’ardeur, l’art dramatique, plus stationnaire, se contente d’attester sa vitalité par quelques rares œuvres d’éclat et quelques recrues encore plus rares. Là du moins les talens de vieille date n’ont pas à craindre d’être expulsés de leur renommée par les victoires des jeunes rivaux ; deux noms nouveaux à peine depuis dix-sept ans, il n’y a pas là de quoi tellement charger la mémoire des générations contemporaines qu’elle en oublie les noms plus anciennement en possession de la célébrité. Ne nous hâtons pas cependant de crier trop vite à la décadence, et préférons à ce mot si gros de tristesses celui de décroissance, comme plus exact et plus équitable, car à vrai dire cette infertilité relative n’a rien qui nous étonne, et sans en chercher bien loin la raison, nous la trouverons dans les difficultés malaisément surmontables que L’art dramatique oppose aux téméraires qui lui demandent succès et profit.

Ils seront toujours peu nombreux, les heureux favoris de la nature qui sont capables de sortir victorieux de l’incroyable effort intellectuel qu’exige la production d’une véritable œuvre dramatique ; nous disons véritable, parce qu’on n’ignore pas qu’au théâtre comme ailleurs, et plus qu’ailleurs peut-être, il existe des recettes et des procédés par la grâce desquels on peut produire des œuvres faciles et même capables de faire illusion. L’inspiration ne suffit pas, ni les idées heureuses, ni l’art de la composition, il y faut une