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ses promesses par la mauvaise foi de l’Angleterre, n’a plus consulté que ses intérêts propres, sans se soucier de l’entente cordiale ? Est-ce le gouvernement anglais qui, par ses manœuvres perfides, a poussé la France à bout et l’a obligée à cette éclatante rupture ? voilà le problème. Stockmar le résout à sa manière, et le fils de Stockmar, appuyé sur les notes de son père, intervient dans le débat avec une telle ardeur qu’il y a là pour ainsi dire une question toute nouvelle. Il faut donc reprendre le litige à ce point de vue de l’honneur des deux gouvernemens et des deux cours. S’il y a des coupables, quels qu’ils soient, l’impartiale histoire doit les faire connaître.

Est-il besoin de dire que les augustes personnes dont le nom va être si souvent prononcé, la reine Isabelle et le roi son époux, le duc de Montpensier et l’infante Luisa-Fernanda, sont tout à fait en dehors de ce débat ? Quand M. de Stockmar, aujourd’hui comme il y a trente ans, discute la vieille question des mariages espagnols et nous oblige à le suivre sur ce terrain, ce n’est pas de ces mariages même qu’il s’agit ; il s’agit uniquement des procédés réciproques de l’Angleterre et de la France, il s’agit de savoir qui est responsable de la rupture de l’entente cordiale.


I

Le 18 octobre 1846, le Moniteur universel contenait une longue description des deux mariages royaux célébrés huit jours auparavant à la cour de Madrid. La jeune reine d’Espagne, Isabelle II, venait d’épouser son cousin germain don François d’Assise, duc de Cadix, fils aîné de l’infant François de Paule, — et sa sœur, l’infante Maria-Luisa-Fernanda, venait d’épouser le plus jeune des fils du roi Louis-Philippe, le prince Antoine-Marie-Philippe-Louis d’Orléans, duc de Montpensier.

À en croire la feuille officielle, c’était là un événement du premier ordre dans l’histoire de la monarchie de juillet. Le récit, quoique tracé avec mesure, révélait un sincère enthousiasme. D’ailleurs, sans parler ni du cérémonial éclatant, ni de l’émulation des vieilles races nobles, ni de tout ce que les coutumes nationales ajoutent à la splendeur de ces royales fêtes, que de motifs pour y prendre intérêt ! Comment ne pas être touché de la situation des personnes et des espérances du pays ? La jeune reine, née le 10 octobre 1830, se mariait le jour même où elle accomplissait sa seizième année, le 10 octobre 1846 ; son mari, qui se trouvait doublement son cousin germain, étant fils d’une sœur de sa mère et d’un frère de son père, était âgé de vingt-quatre ans à peine. L’infante Fernanda allait avoir quinze ans, le duc de Montpensier n’en avait