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renoncé au système sur lequel reposent ses chicanes et ses accusations. Admettons que le roi Louis-Philippe, au début de la question, ait songé un instant à marier la reine d’Espagne avec le duc d’Aumale, il n’aura guère tardé à s’apercevoir qu’un tel projet rencontrerait de la part de l’Angleterre une résistance inflexible. Esprit sage, intelligence pratique, il y aura donc renoncé immédiatement. Bien plus, pour effacer toute trace, pour détruire tout soupçon de ce qui n’avait pu être chez lui qu’une pensée fugitive, c’est à dater de ce moment qu’il eut soin de déclarer très haut les résolutions dont nous venons de parler. Il y revenait sans cesse et de la façon la plus nette. Dira-t-on que les déclarations publiques ne peuvent jamais contenir la vérité tout entière, qu’elles laissent toujours une porte ouverte aux événemens, une part à l’imprévu, et que les secrètes ambitions du roi comptaient bien sur ce secours ? M. Guizot répond d’une façon péremptoire : « Ce n’est pas dans des documens officiels, dans des entretiens avec les diplomates étrangers, c’est dans la correspondance intime et confidentielle du roi Louis-Philippe avec moi que je trouve ces témoignages positifs de sa ferme et spontanée résolution de ne pas rechercher, de ne pas accepter le trône d’Espagne pour l’un de ses fils, pas plus qu’en 1831 il n’avait accepté le trône de Belgique pour M. le duc de Nemours. Il sacrifiait, sans hésiter, à l’intérêt général d’une vraie et solide paix européenne, tout intérêt d’agrandissement personnel et de famille[1]. »

En revanche, dès que le roi eut renoncé pour un de ses fils à la couronne d’Espagne, il proclama non moins haut le principe qui devait diriger en cette affaire la politique de la France ; il fallait que le mari de la jeune reine fût un Bourbon de la descendance de Philippe V. Sur un trône où un petit-fils de Louis XIV avait assis une dynastie nouvelle, la France ne pouvait souffrir un prince de race étrangère. C’était pour elle une question d’honneur encore plus qu’un intérêt politique. La maison de Bourbon avait bien des maris à offrir à la jeune reine : des princes de Naples, des princes de Lucques, les fils de don Carlos ou les fils de don Francisco ; la France n’en excluait aucun, elle excluait tous les autres candidats, quels qu’ils pussent être.

Dans le temps même où se débattaient ces questions, on vit apparaître d’une façon mystérieuse la candidature qui a le plus contribué à faire de toute cette histoire un imbroglio inextricable. Un cousin du prince Albert, un neveu du roi des Belges, le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, avait épousé en 1836 la reine dona Maria de Portugal, fille du roi dom Pedro, et ce mariage,

  1. Guizot, Mémoires, t. VIII, p. 110.